Dossier Pédagogique – Rosalie l’infâme

Ce dossier est destiné à toute personne désireuse de développer une animation sur le livre « Rosalie l’infâme » de Evelyne Trouillot en proposant des clefs de lecture, des pistes d’interprétation et d’analyse. Par ailleurs, il propose des activités visant à développer le goût pour la lecture et soutenir la créativité littéraire des élèves.

Un dossier pédagogique réalisé par Darline Alexis

 > Âge: élèves de secondaire à partir de 14 ans
> Matière(s): Français, Histoire
> Dossier pédagogique novembre 2019
> Mots-clés: Saint-Domingue

Téléchargez en PDF le dossier pédagogique complet du livre « Rosalie l’infâme » de Evelyne Trouillot

INTRODUCTION

Rosalie l’infâme d’Evelyne Touillot a pour toile de fond un moment historique caractérisé par la pleine expansion du colonialisme et de l’esclavagisme. Un outil de domination, le Code noir (1685), fournit aux colons la couverture légale pour d’innombrables exactions ainsi que le droit de vie et de mort sur les populations asservies. Dans la florissante colonie française de Saint-Domingue, la résistance des esclaves se radicalise proportionnellement à la terreur qu’y font régner les colons. L’usage intensif du poison devient une arme de combat sur les habitations. Les esclaves menés par le rebelle Makandal vont durant plusieurs années ébranler le quotidien de la colonie. Ce n’est pourtant pas la figure héroïque de Makandal qui est capitale dans cette œuvre. Trouillot lui accorde un traitement secondaire, là où d’autres auteurs l’ont placée, au premier plan, dans des récits similaires, tel Alejo Carpentier dans son célèbre roman, Le royaume de ce monde (1949). Des figures anonymes, des héroïnes et héros ordinaires de la longue histoire de l’esclavage occupent la première place et reçoivent un hommage mérité pour leur résistance à l’indignité et leur contribution à la capitulation d’un système inique. L’auteure nous donne à entendre leurs vraies voix et à voir avec leurs vrais regards, celles et ceux « qui refuse(nt) toute servilité »,  comme le dit Lisette, la narratrice.

L’AUTEURE

Courte biographie

Evelyne Trouillot est une des auteures phares de la littérature contemporaine. Née en  Haïti le 2 janvier 1954 , elle est issue d’une famille d’historiens, d’anthropologues, d’écrivains qui, du siècle dernier à nos jours, a largement contribué à une meilleure compréhension de l’Histoire coloniale et des sociétés postcoloniales, en particulier celle d’Haïti. C’est d’ailleurs à son oncle historien chercheur, Hénock Trouillot, qu’est dédiée cette œuvre pour laquelle elle a puisé dans ses travaux de recherche menés sur la vie quotidienne dans la colonie de Saint-Domingue. Evelyne Trouillot produit une œuvre en résonance avec les problématiques majeures de notre époque (héritage colonial, pouvoir totalitaire, migration, femme, insularité…)  mais au plus près de l’humain, de ces millions d’anonymes que la grande Histoire marginalise.

Une oeuvre multigenre

Evelyne Trouillot s’est illustrée dans différents genres littéraires. Sa première publication a été un récit court ou nouvelle, La chambre interdite (1996). Depuis, plusieurs autres recueils Islande suivi de La mer entre lait et sang (1998), Ma maison en dentelle suivi de Une cousine inattendue (1999) Parlez-moi d’amour (2002) et Je m’appelle Fridhomme (2017) ont enrichi sa bibliographie. Trouillot est également poétesse avec une œuvre écrite dans les deux langues officielles d’Haïti, le créole et le français, Sans Parapluie de retour (2001),  Plidetwal (2005) et Par la fissure de mes mots (2014). Elle a à son actif, une pièce de théâtre, Le Bleu de l’ile (2005). Sa première œuvre romanesque, Rosalie l’infâme (2003), lui a assuré une renommée internationale. Elle a publié d’autres romans tels L’Œil-Totem (2006), Le Mirador aux étoiles (2007), La mémoire aux abois (2010), Absences sans frontières (2013), Le Rond-Point (2015). Essayiste, on lui doit une réflexion sur l’enfance intitulée Restituer l’enfance. Enfance et état de droit en Haïti (2002). Sa bibliographie compte également deux récits pour enfants, L’île Ti Jean (2004) et L’Oiseau mirage (1997).

Prix littéraires

Evelyne Trouillot a reçu de nombreux prix littéraires au cours de sa carrière, entre autres, le prix Soroptimist de la Romancière francophone en 2004 pour Rosalie l’infâme ; le prix Beaumarchais de la Caraïbe (ex æquo) en 2005 pour sa pièce Le Bleu de l’île, le prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde (2010) pour La mémoire aux abois.

LE ROMAN

Le contexte de rédaction, catégorisation et réception critique 

Lire et revisiter l’Histoire
Dans la postface de Rosalie l’infâme, Evelyne Trouillot partage avec son lectorat le cheminement intellectuel l’ayant conduit à la production de son œuvre. Un événement mentionné au passage, en quelques lignes, dans un ouvrage d’Histoire titré Antilles 1789. La Révolution aux Caraïbes , a retenu son attention ; de là lui est venue l’idée de ce roman. Une sage-femme arada, a-t-elle appris, a avoué, au cours de son procès, le rôle joué dans la mort de soixante-dix (70) enfants pour les soustraire à l’esclavage. Des nœuds, sur une corde enroulée autour de sa taille, représentaient chacun des enfants tués. Trouillot nous dit avoir été marquée par ce personnage asservi dans des conditions de violence extrême et qui, pourtant, n’a pas renoncé à se battre. L’expression de cette résistance l’a amenée à se poser des questions sur la vie intérieure de ces millions de femmes, d’hommes et d’enfants arrachés de leur terre pour être transportés ailleurs, asservis et condamnés à se reproduire sans aucun droit sur leur progéniture. Rosalie l’infâme rend compte d’une certaine lecture de l’Histoire par ses failles, ses manques et ses silences. Ce roman contribue à un travail de mémoire pour combler l’absence flagrante dans les archives officielles des voix qui ont payé le prix fort du système colonial-esclavagiste.

Demander aux élèves d’analyser la postface en prêtant attention à son organisation, aux termes utilisés par l’auteur pour présenter son œuvre et à la tonalité du dernier paragraphe.

Néo-récit ou récit fictif d’esclaves
Rosalie l’infâme est, pour reprendre le terme inventé par Ishmael Reed en 1976, un néo-récit d’esclave appelé encore récit fictionnel d’esclave. Cette expression est utilisée pour qualifier une catégorie de textes produits par des auteurs contemporains, avec comme toile de fond un contexte historique colonial esclavagiste et une place prédominante accordée aux personnages d’esclaves. Les situations et les personnages sont inventés par les auteurs, même si certains faits relatés sont avérés. Ce type de textes peut également prendre la forme de poèmes. Ce parti-pris scriptural est souvent motivé par la préoccupation des auteurs de considérer les impacts de l’esclavage et de la colonisation sur le présent des peuples façonnés par cette Histoire et ce traumatisme originel. C’est ce que Grann Charlotte explique à Lisette :

« Moi, je te dis, Lisette, quand tu as vécu les barracons et la traversée, la vente et toutes les couleurs de la honte, même quand tu continues de respirer, des grands morceaux de toi sont à jamais égarés, comme des lambeaux de peau que tu as retirés l’un après l’autre. Tu arrives au bout du parcours si déchiré que tu ne sens plus rien. Tu es prisonnier d’une carapace qu’aucun rayon ne peut briser. » (p. 28)

Le néo-récit d’esclaves est à différencier du récit d’esclaves qui remonte aux premiers temps de l’esclavage et constitue un témoignage direct de personnes ayant connu l’asservissement et la condition d’esclaves. Les biographies de Frédérick Douglas (1818-1895) ou de Harriet Tubman (1822-1913), deux figures majeures de la lutte anti-esclavagiste aux États-Unis d’Amérique, appartiennent à cette catégorie d’œuvres.

Effectuer une recherche et lister deux œuvres pour chacune de ces catégories de textes.

Réception critique
Rosalie l’infâme est étudiée dans beaucoup de départements d’études françaises d’universités anglophones, en particulier. Ce récit dense et de grande facture combine à la fois les problématiques de l’esclavage, du colonialisme et du genre. Il ouvre des perspectives multiples aux chercheurs de ces différents champs d’expertise. De nombreux articles lui ont été consacrés .
Ce roman en est à sa troisième édition : Dapper (2003), Atelier jeudi soir (2018) et Le Temps des cerises (2019).

Résumé

Nous sommes dans la colonie de Saint-Domingue, la plus riche de France, au beau milieu de la décennie 1750. Afin d’échapper à l’ordre indigne et inhumain imposé par l’Occident, les femmes et les hommes réduits à la condition d’esclaves continuent de déployer, comme au premier jour, des formes de résistances multiples, entre autres le marronnage, les guérillas, le suicide, l’infanticide, l’avortement, … Mais, Saint-Domingue connaît depuis quelques années une vague d’empoisonnement de la nourriture et de l’eau qui atteint toutes les couches de la population. Une terreur sans nom règne dans la Grande île. Elle renforce la méfiance entre ceux qui s’y trouvent et elle augmente le lot de malheurs qui caractérisent la société esclavagiste.

C’est à travers la trajectoire de Lisette, jeune esclave, personnage-narrateur du roman, que sont campés cette période historique et l’univers colonial. Des récits de vie, à la première personne, de divers autres personnages y sont intercalés. Lisette est une créole , c’est-à-dire qu’elle est née dans la colonie, contrairement aux autres femmes de sa famille qui ont connu la capture, le barracon, la traversée, la déportation, … L’Histoire est reconstituée à partir de cette lignée de femmes qui comprend sa grande-tante Brigitte, sa grand-mère Grann Charlotte, sa marraine Man Augustine (sœur de bâtiment de Charlotte) et Ayouba, sa mère qu’elle n’a pas connue. La grande-tante de Lisette, Brigitte en est la figure tutélaire. Elle est dépeinte comme une femme de grand charisme, une rebelle, sage-femme et guérisseuse.

La singularité de l’œuvre réside dans la mise en scène de figures anonymes, en majeure partie des femmes ayant joué un rôle, pas des moindres, dans la quête obstinée de la liberté face au régime concerté de la traite, du colonialisme, de l’esclavage et du racisme. Chaque destin ou histoire relatée constitue un élément distinct de la gamme d’horreur de la réalité coloniale et des stratégies de survie déployées par les uns et les autres. Lisette est la dépositaire de toutes ces voix : « Le récit de Michaud se glisse en moi et va rejoindre tous les autres bouts qui sont aux alentours et au-dedans de mon être, me laissant comblée et infiniment triste. » (p. 21).

Cette œuvre rédigée dans une langue limpide et poétique fait de la narration à la première personne un outil imparable d’immersion dans ces destins d’êtres asservis de corps mais qui n’ont abdiqué ni leur humanité, ni leur liberté d’être. Il y a de l’amour, de l’amitié, de la solidarité, des trahisons et cette volonté de transmission d’une mémoire et d’une histoire. Ils sont asservis mais ils n’appartiennent à personne. C’est cette leçon primordiale que Grann Charlotte, sa grand-mère, enseigne à Lisette dès son jeune âge :

« « Moi, je suis la négresse à Sarah », avais-je dit un jour bien loin dans le temps, de cette époque où Grann Charlotte était encore en vie. Plus tard dans notre case, grand-mère me frappa au visage. « Je ne veux plus jamais que tu penses ce que tu viens de dire, Lisette. Les femmes arada n’appartiennent à personne. » » (p.8)

Analyse

Un titre énigmatique
Selon le dictionnaire Larousse, le mot « infâme » est un adjectif qui signifie : Qui cause du dégoût par son caractère vil, bas, indigne. Qui cause de la répugnance par sa saleté.
Qui est la Rosalie frappée du sceau de l’infamie qu’annonce le titre de l’œuvre ? Quel crime a-t-elle bien pu commettre pour mériter ce qualificatif péjoratif qui en fait d’emblée un être abject et repoussant ? Ce sont les questions que l’on se pose face à cet objet-livre avant de prendre connaissance du texte. La représentation d’une tête de femme avec en arrière-plan une mer sur laquelle on aperçoit un voilier illustrant la couverture de l’éditions de 2003 (Dapper) et la tête de femme nouée d’un foulard de 2019 (Le Temps des cerises) orientent le lecteur vers un personnage féminin. L’édition de 2018 chez Atelier jeudi soir est dépourvue d’illustration.

C’est au deuxième chapitre de cette œuvre que se trouvent les réponses aux questions suscitées par ce titre. Rosalie n’est pas une femme mais un bateau, pas n’importe lequel, un bateau négrier : « …on la transporta sur le bateau, sur Rosalie l’infâme. » (p. 29) Symbole de la marchandisation des êtres humains et de la dépossession, ce bateau est un charnier où sont enterrés à jamais de « grands morceaux » de femmes et d’hommes autrefois libres, ancrés dans leur terre et qui, désormais, ne seront plus.

« Dans le bateau, j’ai découvert une nuit inconnue, sans ciel, sans étoiles, sans brise, avec des corps serrés les uns contre les autres , sans amour, ni passion, avec des odeurs et des gestes dépouillés de leur intimité, des étreintes enchaînées et des gémissements continus. Imagine une nuit dont tu ne peux pas compter les lunes car au-dessus de toi, il n’y a qu’un plafond de bois. Pour fenêtres, tu as les panneaux. Pour univers, les entrepôts. La nuit, nos corps et nos esprits ne se reposent pas, les ténèbres renforcent cette impression de tumulte des chairs pressées les unes contre les autres. Tu passes quelques jours à accorder ton souffle à celui de ta compagne de chaîne, puis tu te rends compte que son souffle à elle s’est arrêtée et que tu es collée à un cadavre presque raide. Et personne n’entend ton hurlement, il ne résonne que dans tes oreilles et dans ton cœur… Car il y a des centaines de hurlements qui couvrent le tien. » (p. 26)

Pourtant, si Rosalie n’est pas une femme, elle est tout de même une matrice de laquelle surgira un nouvel être : l’esclave marqué d’une étampe et soumis au non moins infâme Code noir, outil légal de négation d’humanité : « J’avais aperçu plusieurs fois l’étampe de Grann Charlotte et celle de Man Augustine, un L. R. sur le sein droit. La Rosalie. Ce lieu où l’innommable a pris forme. » (p. 29) L’idée de la cale du bateau comme matrice ayant donné naissance au monde antillais est développée par Edouard Glissant dans son livre Le discours antillais dès 1981.

Organisation de l’ouvrage
Rosalie l’infâme est subdivisé en six chapitres et une postface déjà analysée plus haut. Les six chapitres qui ne présentent pas le récit de manière linéaire sont agencés de manière à prendre en compte l’histoire collective à travers l’ascendance de Lisette et les voix des autres personnages mais aussi la propre évolution de Lisette. Ceci en fait un récit initiatique, puisque nous suivons l’évolution du personnage, créole née et ayant vécu toute sa vie dans un monde de maîtres et d’esclaves à la jeune femme aspirant à un monde sans domination colonialiste et où chacun est libre.

Cette structuration permet au lecteur de se transporter dans l’enfer colonial, de pénétrer le bouillonnement intérieur du personnage principal affecté par la mémoire familiale des péripéties de la traite transatlantique et de l’ultime déchéance humaine du vécu plantationnaire. A travers Lisette, transitent ces récits qui influent sur la trame narrative de sa propre vie et contribuent à sa métamorphose. Ils structurent de l’intérieur le projet narratif de l’auteur qui fait de Rosalie l’infâme un monologue poétique à plusieurs voix brassant souffrances, résistances, désespoir et rêves de liberté.

Le premier chapitre fait état du cadre général du récit (personnages, lieux, événements) et le climat de terreur renforcé par la hantise de l’empoisonnement. Il se referme sur le récit de l’ancien commandeur de l’habitation, Michaud. Les deuxième, quatrième et sixième chapitres contiennent des récits clés de Man Augustine et Grann Charlotte. Les différents récits constituent chacun des tentatives de nommer l’innommable, de rendre compte des souffrances et des traumatismes d’un quotidien d’asservissement, de domination et du contrôle de sa vie par quelqu’un d’autre. Le passé gardé vivant par ces narrations fait écho à un quotidien guère plus réjouissant, n’était-ce la résistance, l’amour et l’amitié. Le troisième chapitre met l’accent sur les différentes expressions du marronnage, de la fuite dans les montagnes de l’île comme l’a fait Vincent à la guerre de basse intensité entre Gracieuse et l’habitant Fayot.

Le dernier chapitre présente une Lisette mature qui prend la ferme résolution de garder l’enfant qu’elle porte et de fuir la plantation pour s’engager à côté d’autres marrons dans la lutte pour la liberté.

Un récit choral
Rosalie l’infâme est un récit choral d’une grande richesse qui fait une large place à la voix des femmes, principalement celles de Lisette, Grann Charlotte et Man Augustine, et à celle d’autres résistants tels Michaud et Vincent. La multiplicité des points de vue induite par ce type d’écrit permet d’illustrer la diversité des conditions d’esclaves et en même temps la permanence de la honte, de ce qui est enlevé. Ce qu’exprime parfaitement Lisette :
« Qu’il soit esclave domestique ou esclave des champs, homme, femme ou enfant, l’esclave est un être qui a perdu son ombre, entre le moulin et la canne, entre la cale et l’entrepôt, entre la crinoline et la gifle. Tous nos gestes sont tachés de honte. (…). Seuls nos gestes de révolte sont réellement à nous. » (p.76)

La voix de ces personnages les inscrit à la fois dans une démarche d’introspection et d’observation tranchant ainsi avec la volonté du colonialisme de les ériger en objets ou biens meubles. Ils sont conscients de leur condition, ils analysent les enjeux de l’esclavage, ils formulent un discours articulé pour en rendre compte et fournissent une réponse, chacun à sa façon et, certaines fois, collectivement, pour défendre le souffle de leur vie. C’est ce qu’enseigne Michaud à Lisette :

« Il ne faut jamais expliquer à celui qu’on fouette comment se préserver des coups. Chacun apprend à protéger la partie de son corps qui est pour lui la plus sensible, la plus vitale. Tu verras autour de toi toutes sortes de stratagèmes que nous, esclaves, inventons pour essayer de survivre à cette horreur. Certains te paraitront dérisoires, d’autres te sembleront barbares, mais qui peut vraiment juger ? Un être humain peut faire n’importe quoi pour que le souffle de sa voix lui appartienne. Il en a le droit. » (p.41)

« Si l’on peut voir aussi clairement sur ton visage les couleurs de ton âme, tu dévoiles tes armes et ta force. Tu perds ta liberté. » C’est ce que lui apprend Gracieuse (p.62)

Parallèlement et en contrepoint à ces voix, résonne, dans une moindre mesure, celle des colons. Elle exprime essentiellement leurs craintes par rapport à la résistance multiforme qui leur est opposée à travers le marronnage, les empoisonnements, les attaques contre les plantations,… Elle traduit également leur volonté de domination par toutes sortes de cruautés codifiées dans des lois scélérates. La voix des colons s’énonce à travers les passages dialogués, lors des dîners qui les réunissent ou dans les discours rapportés par les esclaves domestiques devant lesquels ils s’expriment en ayant, paradoxalement, peu conscience de leur présence et de leur capacité d’entendement.

« Sans que mon visage trahisse mes pensées, je suis les moindres paroles que disent les maîtres et leurs amis. Du moment que je remplis les verres, place et reprends les plats, fais goûter à la petite Marion toujours prisonnière de son poste d’attrape-poison, les maîtres ne me voient pas. Invisible à leurs yeux, je les épie avec la même efficacité avec laquelle je les sers. » (p.90)

L’esclavage tel que pensé, organisé et appliqué par le système colonial, a ses lieux d’expression : les lois, les musées, les archives… Le vécu de l’esclavage du point de vue des êtres asservis se construit graduellement. Le parti-pris de cette œuvre est clair : faire entendre l’intériorité des opprimés, de ceux qui ont subi comme nous dit Aimé Césaire (1913-2008) dans La tragédie du roi Christophe (1963) : « la déportation, la traite, l’esclavage, le collectif ravalement de la bête, le total outrage, la vaste insulte, (…), l’omni-niant crachat ! »

Une résistance organisée et multiforme
L’histoire de l’esclavage à Saint-Domingue est une histoire terrifiante. C’est en également une des multiples formes de résistances inventées par les esclaves au nom du droit à l’existence et à la dignité. La première forme consiste à préserver sa capacité d’aimer, à défier la réalité de non-être que lui crée le colon et dans laquelle il entend l’installer de façon permanente. C’est la raison du choix de Trouillot de s’intéresser à l’intériorité des individus, à ce qui échappe au contrôle de leur enveloppe charnelle. Ce roman est avant tout une ode à l’amour, à la liberté et à la famille dans un univers colonial esclavagiste impitoyable. « Comme je voudrais pouvoir prendre dans mon lot de malheurs les douleurs, plus vieilles que les miennes de Man Augustine, et effacer sur ses lèvres ce pli amer qui semble vouloir y rester à jamais. » (p.80)

En choisissant de situer ce récit dans cette période de terreur généralisée qu’ouvre la lutte par empoisonnement, Trouillot parvient à poser avec succès la question des moyens de résistance à l’oppression, sans aucun manichéisme. Si, jusque-là, les formes de résistance privilégiées ciblaient les intérêts du colon, dorénavant, elles s’attaquaient, en plus, aux chevilles ouvrières même du système esclavagiste : le colon, sa famille et sa maisonnée. Aucun prix n’est jugé trop élevé dans cette quête de liberté.

« Nous sommes au beau milieu de l’époque de terreur qui secoue sauvagement le nord de la Grande Île. Blancs et Noirs, les esclaves tout comme les maitres, tous tremblent de frayeur et osent à peine toucher aux aliments qu’on leur sert. Les hommes épient leurs femmes et leurs maîtresses. Les mères jettent des regards soupçonneux à leurs amants, aux voisins. La grande peur du poison a envahi toutes les demeures, jetant désarroi et suspicion. » (p. 9)

C’est ainsi que Manon, la petite-nièce de Man Victor, la cuisinière de l’habitation Fayot devient la cobaye chargée de goûter le repas des maîtres, pour limiter les risques de complicité éventuels de sa grande-tante avec les empoisonneurs.
« Debout, près du grand vaisselier en acajou, à quelques pas de ma maîtresse, à chaque repas, Manon goûte à tous les éléments. Quand apparemment, elle a survécu à la nourriture, je sers Madame, Monsieur et les invités quand il y en a. Sans mot dire, avec une révérence à la hauteur de ses huit ans, la petite fille va alors retrouver les autres esclaves dans la cuisine. » (p.9)

La résistance consiste aussi à priver le système de sa main d’œuvre en tuant les enfants, en avortant, en se suicidant et en se faisant marron. Brigitte tue soixante-dix enfants, avant de mettre fin à cette pratique et d’avouer ses crimes, quand elle se révèle incapable d’appliquer sa méthode sur sa propre descendance. Gracieuse, la cocotte, avorte sept fois dans le plus grand secret et saigne tant qu’elle finit par en mourir :
« « Pas d’enfants ni noirs ni mulâtres, les chaînes n’ont pas de couleur », m’a-t-elle dit un jour. Sept fois, elle a vu son sang couler, sept fois j’ai vu son corps protester contre les abus et demander grâce. Madeleine l’avait avertie que la prochaine fois, ce serait peut-être la dernière. Elle a essayé de ne pas tomber enceinte, mais l’habitant Fayot tenait tant à avoir un enfant de Gracieuse qu’il la surveillait, et il la forçait exprès au mauvais moment du mois. Entre eux deux, c’était comme une guerre silencieuse, non déclarée mais tenace et implacable. » (p.86)

Tandis que Louise qui aspire à en avoir adopte une autre stratégie :
« Louise est une négresse nago ni belle ni laide, avec des oreilles écartées et des lèvres serrées sur ses projets de progéniture à la peau claire. Elle a juré qu’elle ne mettrait au monde que des enfants ayant une chance de vivre sans que leurs jours soient broyés dans les champs de canne à sucre. » (p.63)

A côté des actions plus individuelles, un grand réseau d’espionnage impliquant des esclaves domestiques permet aux marrons d’échapper aux pièges visant à les attraper, aux aspirants au marronnage de rejoindre des communauté éparpillées dans différentes régions de l’île ou encore de faire circuler, avant même leur adoption, les idées en discussion entre les colons. Résister c’est aussi apprendre à lire et à écrire, enseigner la lecture et l’écriture aux autres en étant parfaitement conscients des châtiments auxquels on s’expose.

C’est en somme une histoire où chaque personnage choisit son « enfer ».

Une histoire d’héritage et de mémoire
L’être nouveau qui débarque du négrier n’a pas de passé. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’esclavage entend déposséder les individus de leur famille, de leur histoire, de leur terre et de leur nom. Trouillot fait œuvre originale en décidant de fonder son récit sur la transmission d’un héritage et d’une mémoire que ce système dénie aux esclaves. L’extrait ci-dessous est emblématique de ce qui est en jeu dans cette histoire. Rapporté par Lisette, l’épisode a valeur d’évaluation de l’éducation de cette dernière par Grann charlotte et Man Augustine. OungaDaga, sœur de barracon de Man Augustine, lui rend visite et teste en quelque sorte ce qu’il en est de l’héritage familial chez Lisette, en la provoquant.

« On dirait une Brigitte qui n’aurait pas connu les barracons, une Brigitte d’avant les cales et les étampes. C’est vrai que tu n’es pas marquée, toi, t’es une créole ! Pas une négresse bossale, comme Brigitte, Charlotte, Augustine et moi. Tu n’as que ton nom créole, n’est-ce pas ? Nous, nous avons dans notre mémoire ces noms qui sonnent la liberté : Ouda, Comba, Divia, OungaDaga. Toi, tu n’as que Lisette à te mettre sous la peau, comme une robe usée qu’on te laisse porter mais qui n’est pas vraiment à toi.
La colère m’avait envahie tout entière et j’avais eu du mal à arrêter les répliques qui me montaient aux lèvres. Seul me retenait le respect dû aux sœurs de bâtiment de Man Augustine, mais j’avais pris mon visage d’orage et de tempête. Alors DoungaDaga éclata d’un rire victorieux et, stupéfaite, encore furieuse, je vis un soupçon de sourire flotter sur le visage de Man Augustine.
« Oui, fit l’amie de ma marraine quand elle se fut calmée. Il y a bien Brigitte en dessous, tu as raison, ma sœur. » (p.79)

D’abord il y a la reconnaissance de la lignée, Lisette ressemble à sa grande tante Brigitte. Puis les différences, elle est le portrait de la Brigitte d’avant le baraquement et la déportation, la Brigitte libre d’avant cette Histoire. L’opposition « bossale »/ « créole » rend compte du hiatus historique mais pas uniquement, il y est également question de la dépossession d’un nom donc d’un manque d’authenticité. Lisette est un nom d’emprunt, celui dont le colon l’a affublée, or elle n’en pas d’autre. Tous ces manques feraient de Lisette un être handicapé, moins apte à lutter contre la réalité de l’esclavage et peut-être moins consciente de la valeur de la liberté. Elle serait en situation d’aliénation. Mais la réaction de colère contenue de Lisette prouve le contraire. C’est dans l’explosion de joie de OungaDaga et dans la manifestation de celle plus sereine de Man Augustine que l’héritage est consacré.

La sérénité et la confiance que traduit le sourire de Man Augustine disent bien le travail conscient de transmission transgénérationnelle réalisé et le statut d’héritière de Lisette. En plus de la longue histoire qu’elle a intériorisée, même sans l’avoir vécue personnellement (capture, déportation et traversée), elle a hérité de l’amulette de Brigitte et, en dernier lieu, elle a eu droit à l’explication des nœuds sur la corde. Il y a des héritages que l’on ne peut accepter que dans leur entièreté et sans jugement de valeur. Il ne dispense pas l’héritier de la possibilité de tracer sa propre voie.

 SEQUENCES D’ANIMATION

En termes d’activités pédagogiques, on peut envisager trois séquences qui proposent une entrée directe dans l’univers esclavagiste colonial tel qu’il est campé dans ce récit.

Séquence 1

La première séquence prend en compte l’incipit (p. 5-6) du roman : le récit du supplice du bûcher infligé au nègre Paladin sur l’habitation Beauplan. L’incipit désigne les premiers mots ou paragraphes d’une œuvre littéraire. Il fournit des indications précieuses sur la tonalité du texte, les choix stylistiques de l’auteur et le point de vue adopté pour la narration.

Activité 1 : L’incipit et le discours d’accompagnement de l’exécution
On portera les élèves à déterminer le cadre de l’histoire, c’est-à-dire à identifier la situation initiale : l’exécution du nègre Paladin sur l’habitation Beauplan pour cause d’empoisonnement,
les lieux où se déroule la scène (l’habitation coloniale) et à dresser un premier portrait du personnage-narrateur (Lisette).

Le discours religieux qui accompagne la scène d’exécution fera l’objet d’une analyse particulière. Il s’agira d’en relever les incohérences par rapport à la situation que l’esclavage fait à l’être qu’il entend dépouiller de son humanité : « Scélérat infâme, odieux à Dieu, indigne d’être compté parmi les hommes, plus cruel que les bêtes féroces,…Mais comme la sainte Église ne rejette aucun de ceux qui veulent se repentir et se corriger… », pp.5-6.

Activité 2 : Une entrée in media res dans l’horreur de l’esclavage
Le livre s’ouvre directement sur l’horreur de l’esclavage. On demandera aux élèves de répertorier dans l’extrait ci-dessous l’expression de l’horreur et de la cruauté de la scène.

« J’entends encore, sous ma peau, les cris des enfants du nègre Paladin qu’on vient de conduire au bûcher sur l’habitation Beauplan. Le maitre avait exigé que tous les nègres, indistinctement, apportent quelque chose pour nourrir le bûcher et qu’ils assistent au spectacle. Je m’étais glissée parmi la horde et j’avais vu les deux filles du nègre Paladin, Lolotte et Marinette, regarder leur père trépigner et hurler. » (p. 5)

A partir de ces quelques phrases de la scène de l’exécution, faire ressortir les aspects suivants : l’obligation d’y assister, l’obligation de complicité dans l’acte criminel et la volonté de dominer par la peur. On peut y aborder les thèmes de déshumanisation, de désarroi et de terreur.

Séquence 2

La deuxième séquence s’intéresse à la survivance des sentiments et de l’affectivité par-delà la terreur coloniale. Ces sentiments sont très fortement imprégnés par la fragilité de la vie dans la plantation et l’angoisse de perdre les siens. Lisette est attachée à sa famille aussi bien aux vivants qu’à la mémoire des disparus. Mais il s’agit d’un attachement convulsif, tant planent sur les êtres aimés les menaces des colons. On peut relever le passage ci-dessous où Lisette nomme très clairement sa peur :
« J’ai peur pour Vincent, mon amour de mornes sans lisières, pour Michaud et sa dignité que nulle machette ne peut briser…Tous ces enfants autour de moi et dont la vie représente si peu : la petite Mariette, fille de Louise la blanchisseuse qui travaille avec Mam’zelle Jeanne, et Joséphine la petite mulâtresse, fille de Clarisse » (p. 24).

Activité 1 : Amour filial et amitié dans l’enfer de la plantation
Les multiples expressions de l’amour filial et de l’amitié dans Rosalie l’infâme constitue le pilier central de l’expression de la différence entre « être à la merci de…/être asservi » versus « appartenir à… » L’échec du projet esclavagiste est patent dans cette survivance des sentiments malgré les tentatives de lavage de cerveau pour faire croire aux asservis qu’ils ne sont rien d’autre que des objets.
Il sera demandé aux élèves de relever différents passages où sont exprimés les sentiments évoqués.
La transmission de la mémoire familiale par Grann Charlotte et Man Augustine est consolidée par l’objet talisman qui a appartenu à grand-tante Brigitte (p.13).
Les souvenirs d’enfance pour expliquer la complicité amicale constante entre Lisette et Fontilus (p.11). Comment cette amitié faite de réminiscences enfantines contribue à conforter la résistance de Lisette.
A partir de la question suivante : quel avenir une mère peut-elle envisager pour son enfant à naître dans cette folie meurtrière de la plantation coloniale ? considérer quelques stratégies déployées par les femmes pour sortir leurs enfants de l’esclavage : les avortements répétés de Gracieuse (p. 86), les enfants métis de Louise la négresse nabo (p.63), la corde à nœuds de Brigitte (104-105), les trahisons contre des promesses d’émancipation des enfants, le marronnage…

Activité 2 : Tomber amoureux
Dans la logique esclavagiste, les asservis ne peuvent tomber amoureux. Et pourtant une histoire d’amour est au cœur de ce roman : celle qui unit Lisette et Vincent. Un amour d’autant plus intense qu’il est vécu dans la pleine conscience de sa précarité due au danger de mort qui guette Vincent encore plus que Lisette. En effet, la tête de celui-ci est mise à prix par son « propriétaire ». Vincent est un marron. Les histoires d’amour dans Rosalie l’infâme sont mises en abyme. Celle qui a uni la mère et le père de Lisette (Ayouba et Tempête) et relatée par Man Augustine y fait écho (p.31), comme Vincent, Tempête était un marron qui n’aura pas connu son enfant.
Demander aux élèves de relever et d’analyser les passages où Lisette décrit Vincent et parle de leur amour.
« Vincent est là soudain, solide et sûr, pétri de terre brune et rocailleuse où j’enfouis mes larmes…Les larges mains de Vincent font, elles aussi, l’inventaire de mes membres, de mon souffle, de mes cauchemars, de mes tresses attachées contre mes oreilles, de mes doutes, de mes reins et de mes seins » ( p.12)

« Nous sommes couchés à l’ombre d’un grand sablier d’où Vincent a vue sur les alentours. Il a posé sa main sur mon sexe et la garde immobile et douce comme un réconfort serein et sur…Dans mon sommeil, je me bats contre miasmes et eaux stagnantes, barracons et entreponts, grognements de chiens, corps trop chauds et trop moites, bruit de matraques » (p. 14).

Activité 3 : passion interdite.
Les amours entre esclave et colon sont placées sous le signe de l’interdit. Les lois réagissant la colonie s’y opposent formellement. Mais cela n’empêche qu’elles existent même si les protagonistes (les esclaves) en paient le prix fort et certaines fois y laissent leur vie.
Analyser le passage relatant la passion secrète et interdite entre Sarah (fille du colon Fayot) et Colin (ébéniste de l’habitation).

« Elle ne me cacha pas juste avant son départ, la vive attraction qui la faisait guetter le nègre Colin, responsable de l’atelier de menuiserie. (…) Le nègre Colin ne fut pas longtemps dupe des manèges de Sarah dont la passion grandissait à chaque vision d’un bras nu transportant des planches de bois d’acajou, à chaque aperçu d’une épaule dénudée par l’effort, à chaque pression d’une jambe pour manier la scie rebelle. Je ne peux pas en être certaine, mais je crois qu’ils se sont arrangés pour se rencontrer dans une de ces nombreuses niches que la nature crée sans parti pris.(…)Les rares fois que j’ai croisé le nègre Colin après le départ de Mlle Sarah, je vis dans son regard la même vacance que je lui avais toujours connue quand il observait Mlle Sarah par-dessus ses copeaux de bois. » (p.51-52)

Séquence 3

La troisième séquence analyse d’autres formes de résistances mises en œuvre par les personnages pour combattre le système esclavagiste : la mémoire, l’infanticide, l’auto-amputation de membres, l’empoisonnement, le suicide, l’avortement, l’espionnage, … Nous partons du principe qu’être capable de nourrir des sentiments, dans le contexte décrit dans l’œuvre et tel qu’analysé dans la séquence 2, est déjà une forme de résistance. Il s’agira aussi de relever que la résistance s’est déclenchée dès les premiers jours de l’esclavage. Le roman met bien en exergue des formes de résistances d’un lieu à un autre, des terres africaines où commence la traite aux plantations broyeuses d’esclaves.

Activité 1 : Les multiples facettes de la résistance.
Dresser un tableau des personnages en situation d’esclaves, indiquer l’expression/la forme de leur asservissement et leurs stratégies de résistance.

La mémoire comme résistance. Comment la transmission de la mémoire familiale sert à éduquer Lisette? Identifier les différentes séquences dans lesquelles Lisette est confrontée à la mémoire collective ou familiale. Quels rôles jouent Grann Charlotte et Man Augustine dans la transmission de cette mémoire ?
« Un jour où ils nous avait donné des rasades d’eau de vie, une jeune femme houassa dont je n’ai jamais su le nom dansa la danse à Don Pèdre. Ils riaient, les Blancs, mais nous savions tous qu’elle appela la mort. Son homme et elle s’était mis face à face, tous deux si jeunes, si beaux (…). Du même élan, l’homme et la femme s’élancèrent et se jetèrent à la mer » (p.27-28)

Le témoignage terrifiant de Michaud où il rapporte l’histoire de cette esclave enceinte qu’on l’a forcé à fouetter jusqu’à la perte de l’enfant qu’elle voulait à tout prix garder, mais aussi sa décision de s’amputer le bras pour ne plus avoir à exercer ce genre de sauvagerie. (p.19)
« Je crois, dit-il qu’elle aurait préféré qu’on lui mette une autre étampe et qu’on lui coupe une oreille, comme on l’avait fait la première fois…Quand on la plaça contre terre, fesses nues en l’air, Arcinte poussa un cri qui supplia la démence de l’anéantir. » (p. 19)

Les leçons de Michaud à Lisette. Cette leçon de choses de Michaud le manchot, ancien commandeur de l’habitation peut faire l’objet de réflexion chez l’élève. On peut lui demander d’apprécier les propos de Michaud en considérant les aspects positifs et les limites de ses dires. Quel message veut-il faire passer à Lisette ?
« Il ne faut jamais expliquer à celui qu’on fouette comment se préserver des coups. Chacun apprend à protéger la partie de son corps qui est pour lui la plus sensible. (…). Un être humain peut faire n’importe quoi pour que le souffle de sa voix lui appartienne. Il en a le droit. »

Activité 2 : Nourrir le rêve de liberté et de la fin totale de l’esclavage.

Montrer la liberté du personnage principal à choisir sa voie en considérant la mémoire de sa propre famille. Observer l’attitude de Lisette, après avoir appris le secret de sa grande tante Brigitte.

Les esclaves résistent à l’esclavage et les maitres opposent une résistance à celle des esclaves. De l’incipit au deuxième chapitre, on peut demander à l’élève de relever les éléments qui manifestent cette austérité des maitres.

Activité 3 : Une histoire à enseigner
Boucler les travaux par un débat libre, suite au visionnement du documentaire disponible en ligne de l’UNESCO sur Les routes de l’esclavage.

LA DOCUMENTATION

Iconographie

Photographie d’Evelyne Trouillot
Couvertures des différentes éditions de Rosalie l’infâme
Carte de la colonie de Saint-Domingue vers 1750
Carte illustrant la traite transatlantique

Bibliographie succinte

Trouillot, Evelyne, Rosalie l’infâme, éd. Atelier Jeudi soir, 2018.(édition de référence de ce dossier)

Trouillot, Evelyne, 5 Questions pour île en île, entretien vidéo de 18 minutes, Delmas, 2011, http://ile-en-ile.org/trouillot_evelyne/

Chastain, Marion, «Les Routes de l’esclavage » : une série-documentaire française interroge les racines de l’esclavage », 29 avril 2018.

https://information.tv5monde.com/culture/les-routes-de-l-esclavage-une-serie-documentaire-francaise-interroge-les-racines-de-l

Frémin, Marie. « 1 – Écrire la mémoire de l’esclavage en Haïti. Pour une réappropriation de l’Histoire par le peuple : Évelyne Trouillot et Rosalie l’Infâme », Nadève Ménard éd., Écrits d’Haïti. Perspectives sur la littérature haïtienne contemporaine (1986-2006). Editions Karthala, 2011, pp. 21-38.

Frémin, Marie, « Esclavage, mythe fondateur et littérature en Haïti dans Rosalie l’infâme d’Evelyne Trouillot » dans Chaulet Achour, Christiane (dir.), Esclavages et littérature. Représentations francophones, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 203-221.

Martin, Reginald, http://www.dalkeyarchive.com/a-conversation-with-Ishmael Reed

Extraits du Code noir, 1685.