Archives: Entretien avec Birago Diop

{ 21-10-2014 }

Source : CEC

« J’avais appris à lire pour pouvoir écrire et j’avais beaucoup écouté pour savoir dire. Et j’ai essayé de bien écrire des dits »

Entretien avec Birago DIOP par Bernard MAGNIER, propos recueillis en 1985

Bernard MAGNIER : lorsque l’on observe la chronologie de votre oeuvre, on constate qu’elle semble se décliner en deux temps : le temps de la création et le temps des souvenirs. Ces temps littéraires correspondent-ils à deux époques de votre vie ? A des volontés de s’exprimer, de dire des réalités différentes à travers des genres littéraires différents ?

Birago DIOP : Si vous le permettez, je serai encore plus « sélectif » que vous. Et je distinguerai aussi le temps de la poésie en ce qui concerne ce que vous voulez bien appeler ma création littéraire. Ces «temps littéraires» que vous voulez distinguer n’ont pas subi une «linéarité», puisqu’à Toulouse, en même temps que des poèmes, j’avais écrit un conte de Noël, «La Sortie Manquée» pour « L’Écho des Étudiants ». Et j’en avais remis un autre à Paris, à Léon-Gontran Damas, «Kotje Barma ou les Toupets Apophtegmes» pour « L’Étudiant Noir », la revue du Mouvement de la Négritude naissante.

Nous dirons que ma poésie se trouve diffuse et diffusée dans des contes. Il n’y a donc pas eu de volonté de m’exprimer, de dire des réalités différentes, ni d’employer des genres littéraires différents, mis à part mes poèmes personnels ou personnalisés. J’ai daté mes poèmes, dans le seul recueil de vers que j’ai commis et que vous pouvez considérer comme des pastiches délibérés ou même parfois inconscients, des exercices de lycéen et d’étudiant (1925 au Lycée Faidherbe de Saint-Louis du Sénégal, 1929/1932 à Toulouse) et même plus tard de fonctionnaire broussard. Ce sont les « Leurres », Décalques, Presque… et Réminiscence.

 

Si vous deviez remonter à l’origine de votre création, quelles en seraient les sources ? Et de quelle langue serait-elle issue ?

Après les Contes et les Fables de La Fontaine des classes enfantines, j’ai eu a l’école primaire de la rue de Thiong à Dakar, un de ces instituteurs que j’appellerai plus tard les «maîtres mainteneurs». L’un d’eux, Monsieur Abdoulaye Camara commençait ses dictées (françaises) en wolof, pour mesurer ce que nous savions de notre langue nationale, que nous avions à apprendre à la maison et dans la rue. Il se faisait plus que désolé, acerbe, quand nous restions le porte-plume en l’air dès l’énoncé du titre de la dictée. Et j’étais devenu aussi curieux de mon wolof que du français de l’école.

Arrivé au Lycée Faidherbe de Saint-Louis, trop âgé pour faire latin-grec, selon le règlement d’alors, je m’étais jeté littéralement sur le français, vieux, ancien et moderne pour posséder les mots qui répondaient exactement à mon wolof vernaculaire que j’assimilais de mieux en mieux. Et plus tard, à travers mon idiome natal je trouverai les correspondances chez l’autochtone, pasteur ou paysan, dans les régions de l’Afrique Noire Occidentale que j’allais sillonner dans ma carrière de vétérinaire de brousse.

Mais ainsi que je l’ai déjà dit et répété, je n’ai écrit que pour mon plaisir personnel, pour me prouver, si vous voulez, que je savais mon wolof et avais bien appris le français de France. J’avais appris à lire pour pouvoir écrire et j’avais beaucoup écouté pour savoir dire. Et j’ai essayé de bien écrire des dits.

 

Quelles ont été vos lectures ?

J’ai bu longuement chez Villon. Je me suis abreuvé des classiques, ayant récité à satiété Corneille, Racine, Boileau et Molière, après Ronsard. J’ai été inoculé du virus Voltaire. Et ne m’en suis trouvé que plus accompli, sans complexe, avant d’aborder les Maîtres romantiques et parnassiens, ou je me suis étanché abondamment, et ensuite chez Anatole France.

Mais j’avais aussi et surtout, dans la famille, deux grands frères qui avaient été mes exemples et mes moniteurs. L’aîné Massyla avait été parmi les premiers Sénégalais publicistes, nouvellistes, romanciers et poètes. Son cadet Youssoupha s’était nourri de la sagesse familiale et du savoir de la brousse où il avait été médecin durant des lustres. A l’école de celui-ci, ainsi que l’écrit Mohamadou Kane, j’ai tenté de «plonger ma poésie aux sources mêmes de croyances et de la sensibilité négro-africaine». Je dirais : de l’extraire de ces sources. Mohamadou Kane précise avec juste raison : «c’est au moment où il compose les ‘Contes d’Amadou Koumba’, qu’il se libère de ses Maîtres pour aller à la découverte de l’authenticité des Choses et des Êtres de la Surréalité ». En mettant la poésie au service des contes je préciserai moi «du surréel» pour éviter toute confusion, car j’ai tout ignoré, délibérément, de l’École Surréaliste, si École il y eut. J’avais assez appris de français pour dire le peu que j’avais à rapporter de mon wolof.

 

Aujourd’hui vous consacrez tout votre temps à la rédaction de vos Mémoires. Est-ce dire que vous n’écrivez plus ni poème, ni conte ? Depuis quelle date n’écrivez-vous plus de poèmes ?

Ni poème, ni conte. Car l’âge venant et venu, je considère ma vie comme le meilleur des contes, le plus réussi. J’essaie de la rapporter, depuis les sources généalogiques (ce qui est la seule richesse mentale du Négro-africain en général, et du Sénégalais en particulier), en me racontant et en racontant le peu que j’ai retenu de celles et ceux que j’ai rencontrés ou fréquentés au cours de mes diverses «carrières» que je trouve plus que remplies, depuis que j’ai quitté le bercail dakarois, pour y repasser par intermittence d’abord, et y revenir ensuite définitivement.

Mes poèmes sont datés, ainsi que je vous l’ai dit. Je l’ai précisé : les premiers de 1925 au Lycée Faidherbe, le dernier de 1946 en Haute-Volta. Parce que justement j’ai trouvé dans les contes la substance et l’expression de la poésie de mon terroir et des régions que j’ai parcourues en Afrique Noire. Je vous apprendrai que le mot «poème» n’existe pas dans mon wolof sénégalais. Chez nous, on connaît le «woï», le chant. Et même la Geste -telle celle du Roi (Charlemagne) ou de Garin de Monglane- chantée et non dite, pour Samba Guiladjégui ou Lat-Dior Diop.

 

Le roman ne vous a-t-il jamais tenté ?

Jamais ! Il y a quinze ans, je répondais à la même question posée par le Doyen Mohamadou Kane, que pour moi, le roman n’est qu’un conte plus ou moins « délayé » et « dilué » où la personnalisation des sujets et des objets amortit les caractères majeurs des « types » (bêtes, choses et gens) des récits traditionnels qui ont toujours condensé tous les autres genres pour manifester les éléments – positifs et négatifs – des civilisations passées ou en voie de mutation.

 

Vous avez vous-même adapté l’un de vos contes, « L’Os de Mor Lam », pour le théâtre mais vous n’avez pas poursuivi dans cette voie. Pourtant n’est-ce pas là une certaine manière de rendre à l’oral ce qui lui revient de droit ? Cette expérience et son succès ne vous invitent-ils pas à poursuivre dans ce sens ?

Absolument d’accord avec vous, en ce qui concerne la part qui revient de droit à l’oral et j’ajouterai aux gestes. J’ai rapporté dans mes Mémoires l’agréable surprise que j’avais eue à Saint-Louis du Sénégal quand j’y revins, après des lustres d’absence, en voyant « jouer » mon conte, « Les Mamelles », par les jeunes filles du collège Ameth-Fall. Et aux veillées de mon enfance, les contes étaient «joués» par le conteur et souvent aussi par l’auditoire qui reprenait les chants et les répliques.

J’ai arrêté mon expérience d’adaptateur-dramaturge, parce que, ayant dirigé pendant des soirées les répétitions de « L’Os de Mor Lam » avec les acteurs de la Troupe du Théâtre National Daniel Sorano, j’avais lâché ceux-ci un vendredi soir. Le lendemain, à la première, je ne reconnaissais plus «ma» pièce. Depuis, à l’issue d’une représentation de « L’Os », Maurice Druon m’a appris que «dans une pièce, il y en avait trois, celle de l’auteur, celle des acteurs et celle du public ».

Deux ans plus tard, Obaldia, orfèvre en la matière, m’a affirmé : «Druon a oublié celle des critiques». Au cours d’un dîner récent, Chérif Khasnadar, directeur de la Maison des cultures du Monde, a complété ma science en me disant qu’il y avait aussi «celle du metteur en scène». J’en avais déjà eu la conviction en voyant l’adaptation de « L’Os de Mor Lam » par Malick Bowens, de la Troupe de Peter Brook, aux Bouffes du Nord et ensuite dans le Métro Auber…

 

Appartenir, très peu de temps après avoir publié, à « l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache » de Senghor, n’était-ce pas devenir un «classique» très rapidement ?

Si vous entendez par « devenir un classique très rapidement », être lu et récité dans les classes, je l’ai été avant la parution de l’Anthologie de Senghor… L’Anthologie de Damas s’ouvrait par mon poème Liminaires.

 

Dans la préface de cette Anthologie, Sartre vous définissait comme le «centre calme du maelstrom». Etes-vous d’accord avec cette définition ?

J’ai fait plus qu’y adhérer, je l’ai expliquée. Je suis «le point calme de ce maelstrom» et je n’ai pas si mal fait de le rester. Car Damas le Guyanais disparu, le Martiniquais Césaire déclarera à Claude Bessis dans le « Jeune Afrique » du 29 novembre 1982: « Le défi antillais ! Rien à voir avec l’Afrique : les Africains ont un continent, ils peuvent s’adosser à des civilisations, des religions, des sagesses millénaires. Nous, non ». Et le Sénégalais Senghor s’en ira à l’Académie Française… Selon Frédéric Barreyre (dans « Les Derniers Mots du Général », Edition Grasset 1971), le Général de Gaulle le lui avait prédit, car l’Asie, l’Afrique, le Tiers Monde, c’était la grande affaire du Général. Peu avant mai 1968, il avait dit à Senghor : « Ah la négritude… Un bien grand mot… Un snobisme. Elle vous fera entrer à l’Académie ».

 

C’est un mot que vous n’aimez pas beaucoup…

C’est un mot que je n’ai jamais employé, parce que j’y avais toujours vécu. Il m’avait depuis toujours entouré, tandis que les autres s’efforçaient avec talent d’y pénétrer. Ils essayaient de casser la noix pour en extraire la pulpe.

 

Quels furent vos rapports avec le monde littéraire ? Africain tout d’abord mais également français.

En réalité, pas ou peu de rapports. Et pour simplifier, j’évoquerai mes trois séjours parisiens de plus ou moins longue durée, après mes années estudiantines et provinciales en Haute-Garonne. Séjours au cours desquels j’aurais pu en avoir, et en eus quelques-uns.

Stagiaire après mon doctorat à l’Institut des Études de Médecine Vétérinaire Exotique d’Alfort, de novembre 1933 à juin 1934, j’avais fait la connaissance du Sénégalais Léopold Senghor, du Martiniquais Aimé Césaire et du Guyanais Léon-Gontran Damas, les trois «promoteurs» de la Négritude. Le premier me sera « un frère ». Mes rencontres avec le second (après les réunions qui se tenaient à mon hôtel, avenue Herbillon à Saint-Mandé, le Colonia, devenu Concordia après les événements du 6 février 1934) peuvent se compter sur les cinq doigts de la main, dont une au Sénégal, au guichet du Stadium Demba Diop à Dakar, où Aimé Césaire, un des invités d’honneur, s’était étonné, en passant, de me voir faire la queue dans l’attente de l’achat d’un billet pour la représentation de sa pièce, « La tragédie du Roi Christophe », où allait triompher le grand acteur sénégalais Douta Seck. C’était à l’occasion du premier Festival des Arts Nègres en 1966. Il était en compagnie de Michel Leiris.

Je vous étonnerai peut-être en vous confessant que je n’ai jamais lu une page de « L’Étudiant Noir » dont j’ai toujours ignoré le format et le volume. Même pas l’exemplaire ou avait du être publié mon conte «Kotje Barma ou les Toupets Apophtegmes», envoyé de l’École Vétérinaire de Toulouse en 1932. Le milieu littéraire africain se réduisait en ces temps-la pour moi, à mon jeune confrère compatriote et homonyme Ousmane Socé Diop, de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort, qui avait écrit son premier roman « Karim », et dont nous allions corriger le manuscrit du second roman « Mirages de Paris », qu’il avait d’abord intitulé « Panamite ».

Parti de Paris en juin 1934, pour le Soudan Français, futur Mali, j’y reviendrai en 1943, à l’instar de nombreux fonctionnaires, hauts, moyens et petits, bloqués en France par l’Occupation Allemande et menacés du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.), institué par le gouvernement de Vichy pour la relève des prisonniers de guerre. J’avais retrouvé Damas et Senghor. Damas avait été mon mentor. Il m’avait installé à «un établi» au Café Le Méphisto, rue de Seine, à l’angle du boulevard Saint-Germain, pour me faire reprendre la plume. Il m’avait commandé un conte pour La Revue du Monde que venaient de créer Paul Morand et Ramon Fernandez, un des premiers clients assidus du Méphisto. Mon conte, «Un jugement», m’avait été payé 1 000 francs, vite reconvertis en tournées de punch, et avait été publié à côté d’une nouvelle, «L’Indifférent», de Marcel Aymé. Je ferai la connaissance de celui-ci aux derniers jours de l’Occupation dans un café, Le Perroquet, tout en haut de la rue Tholozé à Montmartre à l’ombre du Moulin de la Galette. Ma collaboration à La Revue du Monde s’était arrêtée là sur la décision de Damas et les conseils de l’Antillais Richard Danglemont. Léopold Senghor de son côté m’avait emmené à un déjeuner des Écrivains Résistants du C.N.E. dans un restaurant de la rue d’Hauterive au Quartier-Latin. Il ne me souvient d’aucun nom des convives. Mes rapports avec le milieu littéraire français se sont limités à ces « brèves rencontres ».

J’ajouterai que Damas, non content de faire publier chez Fasquelle mes « Contes d’Amadou Koumba », m’avait emmené chez l’écrivain antillais René Maran, dont le roman « Batouala » avait été le premier caillou jeté dans la mare du colonialisme.

 

Et maintenant ? Avez-vous des contacts avec les auteurs africains ?

Écolier, je récitais pour mon plaisir des pages des livres des instituteurs sénégalais Mapathé Diagne et Amadou-NDiaye Dugué Clédor, « Les Trois volontés de Malick » du premier et « La Bataille de Guillé » du second. Lycéen, je lisais en vacances les poèmes et les romans de mon frère aîné Massyla. Ce qui signifie que mes contacts avec des auteurs africains ne datent pas d’aujourd’hui. Ni que l’on a commencé a écrire seulement maintenant au Sénégal ou avec ceux de ma génération, tels Senghor, Ousmane-Socé, Abdoulaye Sadji.

Je suis depuis vingt ans exactement le Président de l’Association des Écrivains du Sénégal. J’ai été pendant près de dix ans directeur du Comité de lecture des Nouvelles Éditions Africaines de Dakar. Et président, toujours, du Bureau sénégalais du Droit d’Auteur. J’ai été élu, en mon absence, vice-président de la CISAC – Confédération Internationale des Auteurs et Compositeurs – au 33e Congres de Rome en octobre 1982. C’est dire que ce n’est pas d’aujourd’hui que date mon rôle de conseiller et de conseiller parfois tatillon – et d’aide, dans tous les sens du terme, matériel et moral.

 

Quelles formes prennent ces aides ?

Déjà à Tunis, ma Chancellerie était plus un «atelier littéraire» qu’une ambassade, d’où sortiront, aux Éditions Présence Africaine dans le même semestre 1963, les poèmes « Reliefs » de mon conseiller feu Malick Fall, et « Négristiques » de mon secrétaire Lamine Niang, en même temps que mon troisième livre « Contes et Lavanes ». Hantée quasi quotidiennement et amicalement (les lendemains des soirs où il ne m’avait pas vu chez lui) par le Professeur parasitologue pastorien, Bertene Juminer, futur Recteur de l’Académie des Antilles et de la Guyane, Chancelier de l’Université. Bertene durant ce temps «grattait à domicile» (au crayon et à la gomme, ce que j’ai toujours admiré) son second enfant qui sera « Au seuil d’un nouveau cri », après son roman « Les Bâtards » de ses années estudiantines à Montpellier. Je le laisserai à Tunis. Et il m’arrivera à Dakar, après un détour en Iran. Sa plume – si je puis dire – n’aura pas séché dans mon douar d’origine. Il y écrira « Les Héritiers de la Presqu’île ».

 

Et la jeune génération ? Celle des Sony Labou Tansi, Tierno Monenembo ?

Je ne sais rien des écrivains que vous nommez. Je ne connais d’ailleurs rien de ce que vous désignez par «jeune génération», à part celle des Sénégalaises et Sénégalais, que ce que j’en apprends avec Mohamadou Kane, depuis que je ne lis plus, même les journaux, réservant ce qui me reste encore de vue pour mon envahissante correspondance et pour écrire la suite, et peut-être la fin de mes Mémoires, qui me sont des contes et un roman vécus.

Je connais mieux ou moins mal, ceux que j’appellerai la «génération moyenne», les Maliens Seydou Badian Kouyaté et Massa Makan Diabaté, les Congolais Henri Lopes et Tati Loutard. Et avant eux, Francis Bébey et Olympe Bhely-Quénum. Je n’oublie pas le «vieux » Bernard Dadié l’Ivoirien. J’ai rencontré, à mon troisième retour à Paris en 1955, à leur début dans la littérature, Ferdinand Oyono sortant de l’Alliance Française (devenue le siège du Maison des cultures du Monde) boulevard Raspail, et Martial Sinda, boulevard Saint-Michel, angle rue Saint-Séverin…

De l’enseignement et des renseignements du Doyen Mohamadou Kane, mon « vulgarisateur », je déduis – arbitrairement peut-être – que les écrivains que j’appelle « ceux de la forêt » rendent mieux dans le roman que « ceux du Sahel ». Question de biotope ou de biologie sans doute, à mon sens…

 

Que pensez-vous de l’accueil réservé à votre oeuvre ? Les réactions ont sans doute déjà été différentes selon qu’elles émanaient d’un lecteur africain ou d’un lecteur occidental ? Pourriez-vous nous dire ces différences ?

Que pouvez-vous penser que puisse ressentir un père dont les enfants n’ont reçu, tous comptes faits, que des compliments ? Je ne crois pas que les réactions aient été tellement différentes émanant des lecteurs africains, occidentaux et d’autres continents. Je crois que chez moi c’est autre chose que l’auberge espagnole. Les uns y ont trouvé ce qu’ils attendaient, les autres ce qu’ils n’attendaient pas. Mes lecteurs occidentaux ne sont pas « tous d’Athènes » comme La Fontaine, mais comme lui à Peau d’Ane, ils prennent « un plaisir extrême » aux dits d’Amadou Koumba le griot sénégalais, pour ne pas dire de Birago Diop le Dakarois.

 

En combien de langues êtes-vous traduit ?

A ma connaissance, en anglais (par Mme Dorothy Simone Blair du temps qu’elle était en Afrique du Sud avant de résider à Londres). En suédois (par Ingmar et Mikaela Leikins). En portugais (les poèmes par des poètes angolais de Luanda, les contes à Lisbonne). En hébreu, en russe, en allemand, en espagnol, en italien (par Mme Marcato-Falsoni). Et en… japonais m’a assuré Mohamadou Kane.

 

Savez-vous combien d’exemplaires des Contes d’Amadou Koumba ont été vendus?

Je n’en sais absolument rien. Demandez-le à mon éditeur de la rue des Écoles à Paris. Je doute fort que vous ayez une réponse exacte et satisfaisante. Tout ce que je sais c’est que mes contes y constituent un fond et des fonds. Surtout maintenant qu’après l’Afrique Noire, ils deviennent « classiques » en France.

 

Propos recueillis en 1985 par Bernard Magnier

Publiés dans la revue « Notre Librairie » n°81