Louis-Philippe Dalembert, nomade et fier

{ 01-12-2014 - Haïti }

Source : CEC

Une série d’ « AUTOPORTRAITS EN MIROIR » où les écrivains vous proposent de partager leurs complicités littéraires, leurs amitiés, ou tout simplement une envie de faire découvrir un livre, une oeuvre, une personnalité littéraire.

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Louis-Philippe Dalembert, nomade et fier

par Wilfried N’Sondé

Dire que Louis-Philippe Dalembert est un écrivain haïtien serait un raccourci, parce que c’est un auteur au mouvement perpétuel. Même si son attachement à Port-Au-Prince la capitale de son île natale est bien réel et indestructible, il réside aujourd’hui à Paris après un long séjour en Italie, pays dont il parle parfaitement la langue. Ses origines insulaires l’ont marqué du double sceau du désir d’ailleurs pour éviter tout enclos, et du besoin de confort, se retrouver parmi les siens. Louis-Philippe est un sensible à fleur de peau qui adore se ressourcer auprès de ceux qui lui sont chers.

Il sillonne la planète précédé par ses oeuvres, on le retrouve un jour dans un stade sud-américain pour déclamer sa poésie, un autre dans un train français à déguster du champagne en route vers Brive pour un festival de littérature. Je l’ai croisé un soir d’automne dernier à l’ambassade d’Haïti à Berlin, il y présentait son dernier roman comme on dévoile délicatement les traits d’un nouveau né encore fragile, avec enthousiasme et pudeur.

Dalembert n’est pas un artiste que l’on peut résumer. Il incarne et revendique l’art et le monde qui se libèrent des frontières et des carcans. Sa création est une constante navigation entre les genres. Le lecteur y retrouve d’abord l’érudition de l’universitaire, puis l’insolence du révolutionnaire, car Louis-Philippe fait partie de ceux qui osent dénoncer, repenser l’humanité et produire des idées. Au grand plaisir de nos oreilles, ses réflexions sont ponctuées d’envolées lyriques, chez lui le souci esthétique est omniprésent car la poésie lui colle à la plume.

J’ai été très impressionné par les premières pages de sa Ballade d’un amour inachevé, on y savoure l’habileté d’un romancier arrivé à maturité qui, en peu de phrases, grâce à des mots bien sentis, soutenus par la justesse du rythme et du ton, crée et nous emmène vers un univers bien à lui, un paysage escarpé prétexte aux amours, aux haines et aux caprices des éléments.

Le temps passe et Dalembert continue inlassablement ses pérégrinations entre les continents, un journal à la main et un roman dans la poche de sa veste. Vous le reconnaîtrez à sa longue silhouette et à la dégaine un peu gauche de ceux qui, de rêver trop souvent, peinent à retrouver une place à leur mesure parmi les autres. Son oeuvre s’étoffe à mesure que son talent s’affirme et qu’il l’accepte, qu’il assume de le maîtriser. Heureusement, ni sa notoriété grandissante, ni les sirènes de la gloire n’altèrent l’authenticité de ce passionné. Il reste entier, sans compromissions, un homme de parole et de cœur comme l’on en croise rarement. Certains le disent incorrigible, d’un autre temps, car ses valeurs ne sont pas celles des opportunistes. Lisez-le, vous aurez à faire à une âme rare qui ressemble à ses textes : exploration de sentiments puissants qui lient ou éloignent les êtres humains avec cet humour toujours décapant qui le caractérise et lui donne cet air attachant. Parce que Louis-Philippe Dalembert est un excellent camarade, ouvert, sincère, et d’une grande générosité au pays des ego surdimensionnés.