Entrevue : Foudizè en création à FOKAL

{ 22-09-2015 - Haïti }

Source : Fokal

Billy-elucienLa troupe Foudizè théâtre travaille depuis trois semaines à Fokal dans le cadre d’une résidence de création qui se terminera le 3 octobre. Il s’agit d’une expérience pilote du programme Arts et culture de la fondation afin de soutenir les comédiens et artistes haïtiens qui ont besoin d’un soutien financier, technique et logistique pour leurs projets de création. Si ce premier essai est concluant, un appel à proposition sera lancé en 2016 pour accueillir de nouveaux résidents. Nous avons rencontré cette semaine Billy Elucien, le metteur en scène de Foudizè théâtre.

Nouvèl FOKAL.- Votre travail de création se fait sur «  Le Retour », une pièce de théâtre du dramaturge camerounais Wakeu Fogaing. Pour Africultures, cet auteur, metteur en scène et comédien engagé est animé, électrisé par une obsession : donner la parole à ceux qui en sont privés. Pourquoi l’avoir choisi ?

Billy Elucien.- J’ai fait la connaissance de ce texte par le biais de Farid Sauvignon qui était déjà en contact avec l’auteur. Wakeu avait envoyé trois textes à Farid. J’ai dit à ce dernier que je cherchais un texte à trois personnages pour ma prochaine création et il m’a répondu qu’il y avait un des textes de Wakeu avec exactement le nombre de personnages recherchés. Cela m’a à priori intéressé. Après lecture, j’ai été tout de suite emballé par l’histoire. Wakeu a une belle plume. Ses sujets sont souvent très poignants.

La pièce « Le retour » traite d’un drame familial des temps modernes, une réalité commune, sans nul doute, à tous les pays du tiers monde, celle de la misère et la migration pour un mieux-être. Dans le souci de répondre aux problèmes de la famille, certains se noient dans le labyrinthe de la recherche de l’argent en terre étrangère. Ils croient, en quittant leur pays, pouvoir trouver de quoi subvenir aux besoins de la famille. Mais comme on le dit : « Partir, c’est mourir un peu ». Les conséquences de cette absence engendrent très souvent un déséquilibre au sein du foyer, souvent irréparable. Certaines familles se brisent même. J’ai connu des garçons de bonnes familles qui sont partis en terre étrangère. Arrivés là-bas, ils ont adopté de nouvelles valeurs pas très saines, différentes de celles qu’on leur avait inculquées et se sont fait expulser du pays d’accueil. J’ai connu aussi des filles qui ont attendu l’être aimé, parti en terre étrangère, alors que ce dernier avait longtemps reconstruit sa vie, sa famille. Combien de personnes sont condamnées à attendre l’être aimé alors que l’autre a déjà tourné la page pour une raison quelconque ?

N.F : Vous n’êtes pas à votre première mise en scène pour Foudizè, est-ce que cette pièce est plus exigeante comparativement aux autres mises en scènes sur lesquelles vous avez travaillé ?

B.E. Chaque création a ses exigences dépendamment du choix de mise en scène, du parti pris du metteur en scène. Je ne peux pas dire qu’elle est plus exigeante. J’ai monté : Gwo Mòso, Anatòl, La fuite. Chacune de ces pièces avait ses propres exigences. Dans le cadre de la création du texte «  Le Retour », mon travail s’appuie beaucoup sur le rythme.

N.F : Après deux semaines à travailler sur votre création, où en êtes-vous ? Vos comédiens se sont-ils déjà approprié l’essence de la pièce ?

B.E. Cela fait près d’un an que les comédiens sont sur ce projet. On a dû arrêter les répétitions fautes de moyens techniques et financiers. Depuis ces deux semaines passées en résidence, la reprise des répétitions, le travail avance à grand pas. Le texte est presque su et les comédiens travaillent durement pour présenter le travail les 1er , 2 et 3 octobre prochain.

N.F : A la fin de la résidence, vous aurez à donner trois représentations publiques, à quoi le public doit-il s’attendre pour « Le Retour » ? 

B.E. Je veux apporter cette précision pour ceux et celles qui m’ont déjà demandé si c’était voulu de monter en 2012 « La fuite »,  et en 2015 «  Le retour ». Le choix est purement circonstanciel. C’est un pur hasard. Leurs points communs sont la violence, le marronnage, l’amour, la haine, le vodou, des thèmes qui me sont chers…. Je travaille avec des comédiens de talents comme Farid Sauvignon, Johny Zéphirin et Katiana Milfort qui prêtent leur corps aux personnages. Je suis certain du résultat. Je laisse le soin au public, qui fera le déplacement, de découvrir le travail.

N.F : Pour jouer publiquement, l’œuvre d’un auteur, comment ça se passe généralement pour les droits d’auteurs ?

B.E. Wakeu était très content d’apprendre qu’une compagnie de théâtre en Haïti ait envie de monter sa pièce. Le texte jusqu’à présent n’avait jamais été mis en scène et j’étais très heureux de l’apprendre. Sans se faire prier, il nous a gracieusement autorisés à monter la pièce avec une pleine liberté.

N.F : Pour un essai, cette première résidence de création à FOKAL, répond-elle à vos exigences et attentes ?

B.E. Ce qui fait grand défaut dans le secteur du théâtre, ce sont le manque ou le quasi-total manque de moyens mis à la disposition des créateurs et un espace de répétitions/ de création incluant les moyens techniques. La résidence de la FOKAL ainsi que le soutien de l’Institut Français dans le cadre du programme Caraïbes en Création m’ont donné la possibilité de concrétiser ce projet. C’est une grande opportunité qui m’est offerte.