Le prix littéraire « Les Afriques »

{ 26-09-2019 - Cameroun }

Source : CEC

Quelques mots sur une idée derrière laquelle il y a une avocate passionnée de littérature.

Par Sami Tchak.

Son identité facebook, c’est Ngoãn Beti, sa véritable identité, Flore Agnès NDA ZOA MEILTZ. Grande lectrice, nourrie de tant d’univers, dont ceux de Dostoïevski et de Tolstoï (elle en parle magnifiquement sur sa page, avec des morceaux choisis qu’elle accompagne toujours de commentaires profonds qui attirent l’attention lorsqu’on est soi-même atteint de cette maladie des grands textes). Mais, au-delà de ce goût pour tous les univers complexes, d’où qu’ils viennent, de toutes les époques, cette avocate,  de nationalité camerounaise et suisse, qui vit et pratique son métier en Suisse s’investit « parallèlement beaucoup dans la littérature (particulièrement africaine et afrodescendante) par passion », écrit-elle en réponse à une des questions que je lui ai posées.

Passion ? Oui, chez elle, il s’agit d’une passion, à laquelle elle a donné une forme par la création, en 2015, d’une association de lecteurs, « La Cène Littéraire ». « Je voulais apporter ma pierre à l’édifice. » Et quelle pierre ! C’est de façon très concrète que cet apport à l’édifice se fera : la création d’un prix littéraire d’abord nommé le « Prix de L’engagement littéraire », et aujourd’hui connu sous le nom de « Prix Les Afriques », qui récompense chaque année, depuis 2016, « un.e écrivain.e africain.e ou afrodescendant.e auteur.e d’une fiction mettant en exergue une cause (même polémique) humaine, sociétale, idéologique, politique, culturelle, économique ou historique en lien avec l’Afrique ou sa diaspora. »

Ce prix est doté de CHF 6’000, d’une œuvre d’art d’une valeur de CHF 3’000. Il faut ajouter à cette dotation « la prise en charge intégrale des frais de déplacement et d’hébergement du lauréat lors de la remise du Prix et l’achat de 100 exemplaires du livre primé. » Quand on connaît un peu l’univers des prix littéraires, qu’il s’agisse des prix décernés à un spectre plus élargi d’écrivains ou concernant exclusivement les littératures africaines, on saura aussi que la dotation du prix « Les Afriques » fait partie des plus élevées. Composé d’écrivains bien connus de la scène littéraire africaine, le Togolais Théo Ananissoh, la Sénégalaise Ken Bugul, le Sénégalais Boubacar Boris Diop, le Camerounais Ambroise Kom, le Tchadien Koulsy Lamko et la doctoresse médecin Hortense, « férue de littérature et animant des rencontres littéraires, le seul membre du jury qui ne travaille pas dans le champ littéraire professionnel », le jury du prix « Les Afriques » a déjà distingué en :

- 2016 : la Camerounaise Hemley Boum pour son roman Les maquisards(éditions La Cheminante) et le professeur historien camerounais Bwemba Bong pour toute son œuvre ;

- 2017 : le Soudanais Abdelaziz Barak Sakin pour son roman, traduit de l’arabe, Le messie de Darfour (éditions Zulma) et la Sénégalaise Aminata Sow Fall dont le dernier roman était alors L’empire du mensonge (éditions Le serpent à plumes) ;

- 2018 : le Jamaïcain Kei Miller pour son roman, traduit en français, avec maintien du titre original, By the rivers of Babylon (éditions Zulma) ;

- 2019 : le Nigérian Elnathan John pour son roman, traduit de l’anglais, Né un mardi(éditions Métailié).

Aussi, autour de ce prix, remis à Genève, il y a une vie, les débats littéraires organisés avec les auteurs en lice, puis, récemment, en 2018, son initiatrice Flore Agnès NDA ZOA MEILTZ propose une résidence de création littéraire, la « Résidences Les Afriques », qui « accueille à Yaoundé au Cameroun, des écrivains pour une durée allant de deux à cinq mois » et dont voici les conditions d’éligibilité :

« - l’auteur candidat doit de préférence résider en Afrique et soumettre un dossier de candidature qui comprendra :

- un résumé de son parcours et sa biographie

- une pièce d’identité

- une lettre de motivation indiquant la nature du projet littéraire et l’intérêt de le réaliser à Yaoundé au Cameroun. »

Le bénéficiaire de la résidence, le premier étant le lauréat du prix « Les Afriques » 2017, le Soudanais Abdelaziz Barak Sakin, reçoit « une allocation de 1500 euros bruts par mois, la prise en charge des frais de déplacement jusqu’au Cameroun, la mise à disposition d’un appartement, d’un véhicule individuel et d’un chauffeur au Cameroun, le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner sont assumés par la cuisinière de la résidence. »

Les initiatives de cette avocate passionnée de littérature ne s’arrêtent pas là, car, cette année, 2019, elle a eu l’idée d’une collection littéraire, la « Collection Kalahari ». « Halala ! C’est mon nouveau né. Je veux dire mon chouchou. L’idée de base était d’assurer « l’édition » et la distribution en Afrique subsaharienne des oeuvres primées par le Prix « Les Afriques ». Par la suite, on s’est demandé pourquoi ne pas accepter des manuscrits (maximum 5 par an) et faire nous-mêmes le véritable travail d’édition ? On verra bien ! » L’aventure commencera par la reprise dans cette collection de Né un mardi, le roman couronné cette année, celui du Nigérien Elnathan John, tous les détails légaux ayant déjà été réglé avec l’éditrice nigérianes et l’éditrice française.

Camerounaise et Suisse, avocate en Suisse, et avec de telles initiatives, onéreuses on s’en doute, la première idée qui nous vient à l’esprit, c’est : « Ah, elle a de la chance, elle vit en Suisse, là-bas, ben, oui, ils ont des subventions importantes, on peut faire des choses, ben oui ! » Eh ben non ! La passion, on lui consacre beaucoup de soi, spirituellement, physiquement, financièrement. C’est du moins ce que fait Flore Agnès NDA ZOA MEILTZ, car, « les initiatives sont pour le moment financées par mes seuls revenus d’avocate. » Et elle ajoute : « C’est pour cela qu’elles restent modestes. » Modestes, tout ce que nous venons d’énumérer, modestes ? Oui, cette passionnée de littérature considère tout ça comme modestes contributions. Mais, s’il y avait eu de nombreuses personnes comme elles pour apporter d’aussi modestes contributions à la promotion des lettres africaines et d’auteurs afrodescendants, à partir de leurs seuls revenus, beaucoup de choses seraient possibles.

Mais, ne vous précipitez pas pour mettre Flore Agnès NDA ZOA MEILTZ sous la coupe d’une subvention pour laquelle elle devrait avoir quelques réserves dans ses propos. Ah, non, ça, ça ne lui ressemble pas, et elle le dit clairement : « Le but c’est aussi de conserver une certaine liberté d’opinion et d’expression. » La liberté, même relative, a son prix, et cette avocate passionnée de littérature le sait qui s’en donne les moyens.

Au-delà du souhait que nous formulons, que son aventure, qu’elle mène entourée de personnes partageant sa vision des choses, aille le plus loin possible, dure le plus longtemps possible, nous lui exprimons aussi notre admiration.

Pour plus d’informations sur le prix et toute la vie littéraire autour, l’on peut consulter le site www.lacenelitteraire.com