Chronique

Chronique littéraire de Christelle Pandanzyla, proposée dans le cadre d'un numéro spécial de la revue Indications "Romans d'Afrique et des diasporas" (2010, co-édition CEC-Indications asbl) - source: CEC -

Nous sommes en 1921 en Oubangui-Chari ( République Centrafricaine ) relevant du gouvernement général de l’afrique équatoriale française, Batouala grand mounkoundji ( chef ) du village de Grimari, s’éveille…

Nous suivons Batouala qui nous emmène à ses côtés dans la vie banale d’un grand chef de village, qui nous résume sa complainte empreinte de violence et de lucidité.

Traditions, indispensable vie naturelle, symbiose réussie  entre les hommes, la faune et la flore…Toutes ces valeurs en passe d’être détruites par la civilisation incarnée par les blancs.

Au travers de l’expérience de Batouala, René Maran nous rend compte des excès du colonialisme en opposition aux romans coloniaux qui jusque-là relataient les impressions du point de vue  des colons.

Ce roman est précédé d’une terrible préface qui dénonce sans concession la cruauté, les débordements des colons causés entre-autre par l’alcool. Cette préface s’attaque également à l’idée tant défendue du bien-fondé de la mission civilisatrice de la France.

“ Civilisation, civilisation, orgueil des Européens, et leur charnier d’innocents (…) Tu bâtis ton royaume sur des cadavres. Quoi que tu veuilles, quoi que tu fasses, tu te meus dans le mensonge. (…) Tu n’es pas un flambeau, mais un incendie. Tout ce à quoi tu touches, tu le consumes…(…)”

C’est en sa qualité d’administrateur préfectoral du pouvoir colonial, que l’auteur décrit la vie telle qu’elle se déroule vraiment dans ces colonies, ce que la France des années 20 n’est pas prête à entendre.

Cela lui vaudra des critiques virulentes mais également à la stupéfaction de beaucoup, le prix Goncourt en 1921.

Le rythme de la vie africaine est rendu vivant par l’animation de la faune et de la flore dans ce récit de Batouala : 1er roman “nègre” écrit par un nègre selon Sendar Senghor.

Le thème, n’est évidemment pas joyeux, mais le livre ne vire jamais dans le larmoyant gratuit.

On termine le roman épuisée mais avec la sensation d’avoir eu l’espace d’un moment été le témoin privilégié d’une terrible époque.

Oh gand Batouala, quelle sera ta destinée, quelle sera la destinée de ce pays que tu aimes tant!