Chronique

Chronique de Boniface Mongo-Mboussa - source CEC - 

Salie a quitté son Sénégal natal : elle est venue en France dans les bagages d’un coopérant français, son époux. Très vite son mariage bat de l’aile. Abandonnée à elle-même, Salie s’inscrit à l’université de Strasbourg, achève un doctorat en Lettres modernes. Resté au Sénégal et plus précisément dans son village, Niodor, son frère Madické la harcèle chaque semaine au téléphone : il veut venir en France pour poursuivre une carrière de footballeur professionnel à l’instar de son idole, Paolo Maldini. Sa sœur l’en dissuade en lui expliquant la précarité des immigrés africains en France. Mais ses justifications sont contredites par l’homme de Barbès, qui, au prix de moultes privations, rentre en vacances à Niodor pour exhiber sa « réussite » en France.

Enlevé, caustique et humoristique, le dernier roman de Fatou Diome explore avec lucidité la question migratoire. A l’instar de son premier recueil de nouvelles, "La préférence nationale", elle nous convie à un voyage mental et social au cœur de l’immigration. En soi, le thème du roman n’est pas original dans la littérature africaine (pensons aux "Mirages de Paris" d’Ousmane Socé, à "L’impasse" de Daniel Biyaoula, à "Bleu Blanc rouge" d’Alain Mabanckou, etc.). Ce qui l’est, en revanche, c’est le fait de l’aborder à travers le prisme du football. Le roman s’ouvre sur la demi-finale de la coupe d’Europe 2000 opposant l’Italie aux Pays-Bas et se ferme par la mémorable finale France-Italie, formant ainsi un récit circulaire. Ce jeu narratif où l’incipit et le désinit se répondent en écho reflète l’ambiance générale du roman marqué par le thème du double.

Récit poétique sur l’immigration, "Le ventre de l’Atlantique" installe d’ores et déjà Fatou Diome comme un écrivain avec lequel on devra désormais compter dans l’histoire de la littérature africaine. Il confirme ainsi la place prépondérante des femmes dans les Lettres du Sud.