Extravagante synthèse d’imaginaire caribéen, l’Ange de charbon traduit à merveille l’intériorité vécue d’un artiste pris dans l’œil du cyclone, qui en ressort comme ivre mort dans un quartier fantôme habité de belles de nuit.

Tout commence par le tonnerre et l’engloutissement, le grand tremblement de gorge de « Monsieur Richter ». Face à ce nouvel esprit vodou, M’Badjo Baldini – « nègre errant d’origine italienne » – parvient à tenir la dragée haute à l’apocalypse.
Si le personnage principal de l’Ange de charbon est Port-au-Prince, avec son peuple de martyrs et de rescapés, d’esprits et de morts-vivants, on comprend que c’est par le verbe que M’Badjo Baldini surmonte le Mardi des douleurs.
« Je vis chaque jour mon épopée », déclare-t-il au huitième matin du désastre tout en récapitulant les femmes-cyclones de sa vie. Et au onzième enfin : « Ma ville se meurt, gît dans son sang. Ma ville-mouroir. Je reviendrai un jour réveiller tes métamorphoses. »
Secoué d’un bout à l’autre d’un grand éclat de rire, ce chant d’un Maldoror noir, la tête dans les étoiles et le regard insolent, est comme une ultime réplique au séisme ravageur.