Bénin

{ Afrique, Afrique de l'Ouest }

2014 se montre telle une année de grande animation dans le monde littéraire béninois, comme c’est le cas d’ailleurs, pour chaque année, depuis près d’une décennie au Bénin. En témoigne le nombre impressionnant de publications qu’elle nous offre déjà. Lesquelles publications sont majoritairement assurées par la maison d’édition Plumes Soleil (qui, se fait constamment présente, faut-il le notifier).

  • Presqu’une vie, Carmen TOUDONOU, roman, Plumes Soleil, Cotonou, 2014, 210 p.
Le 22 juillet 2014, précisément, le répertoire livresque béninois s’est enrichi de Presqu’une vie, un roman de 210 pages commis par la plume de la journaliste Carmen TOUDONOU, et paru aux éditions Plumes Soleil. A travers une narration haletante et respectueuse des principes narratologiques, l’auteure par l’entremise d’une narratrice, fait promener le lecteur dans le sacré du couvent et donc dans les réalités des milieux ruraux  qui demeurent actuelles nonobstant l’évolution des temps. Presqu’une vie est l’histoire d’une jeune fille qui a son instruction à cœur et qui nourrit des rêves relatifs à son succès dans les études. Mais, celle-ci, quoique brillante en classe de terminale verra son rêve de faire des études universitaires parti en cendre, ce jour où elle subit l’enlèvement l’ayant conduit au couvent de vodoun pour devenir vodounsi (adepte de vodoun). Avec un procédé narratif impliquant l’émotion du lecteur, Carmen Toudonou pose ainsi la déjà existante question que se posent nombre d’intellectuels africains sur le maintien intact de tous les principes de la tradition au prix du développement de leur nation, voire de leur continent. Titulaire d’un Master of Art en journalisme et médias, l’auteure est présentatrice à l’office de  Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB). Elle s’est précédemment (en 2013) livrée à l’exercice de la poésie grâce à Anxiolytique, une anthologie féminine de poésie béninoise et Presqu’une vie est son premier roman.
  • Cartulaire Buissonnier, Apollinaire AGBAZAHOU,  poésie, Plumes Soleil, Cotonou, 2014, 112 p.
C’est avec surprise que les ‘’lecturophiles’’ béninois ont accueilli, le mois de juin, Cartulaire Buissonnier, l’œuvre poétique de Apollinaire AGBAZAHOU, écrivain, enseignant, inspecteur du second degré et Directeur départemental de l’éducation au Bénin. La surprise ne venait pas du fait qu’il ait publié (ce n’est pas son premier acte littéraire) mais, qu’il s’agisse de poésie, cette fois. Cartulaire Buissonnier est un recueil dont les poèmes tutoient et font tutoyer les univers de construction, de jeunesse ou d’amour, de mystère et d’initiation. Elaboré en trois parties ou chapitres : Briques d’Hercios, Lucifer démasqué et Venus en proie,  cette œuvre comme le pense son préfacier, l’écrivain Daté Atavito BARNABE-AKAYI, « tente de dépolluer l’insalubrité humaine et les différentes combines néfastes à l’essor d’une force cérébrale qui détruit la stérilité et la criminalité financière ambiantes dont se vêt son peuple. » Apollinaire AGBAZAHOU connu dramaturge, intègre ainsi officiellement le jardin des poètes. Mais à en en croire, l’inspecteur, la poésie pour lui reste une trouvaille de longue date car les textes de Cartulaire Buissonnier sont pour la plupart des rescapés d’anciens manuscrits de textes écrits en jeunesse. Et « Lecture faite de ce poème à cadence libre, on trépigne d’allégresse car toute poésie atlantique naît d’un lieu à l’intérieur duquel, la parole ensemence ce qui la révèle au monde comme pour aplanir les syllogismes du primitif réel. », dira le postfacier, Fernando d’Almeida, professeur à l’Université de Douala, Grand Prix de Poésie Léopold Sédar Senghor 2008. 
  • Traces à venir, Guy Ossito Midiohuan, Plumes Soleil, 2014.
Toujours en juin, et chez Plumes Soleil, est sorti Traces à venir du Professeur Guy Ossito Midiohuan. De la profondeur de sa prétention prémonitoire (se référant au titre), cette œuvre, une collection de nouvelles, de récits et de lettres, affiche un tableau des misères, des tristesses, des joies et des espérances qui habitent l’entourage de l’universitaire. Le spécialiste de littérature africaine, connu pour sa verve sur le terrain de la critique littéraire, s’est ainsi risqué et avec adresse dans l’arène de la création pour caricaturer, entre autres, la déliquescence de l’éducation conséquence du coma dans lequel plonge la société. C’est donc tel un diagnostic suivi d’ordonnance que parait cette œuvre qui s’étend sur 213 pages et que son auteur a subdivisé en trois parties dont la première « Misere mei » (Pitié pour moi ), la deuxième « Misere nobis » (Pitié pour nous) et « Evasion », la dernière qui est constituée de notes de voyages de l’auteur sur des pays développés, un peu comme pour exprimer, implicitement, ses espoirs pour son pays le Bénin. La beauté dans l’expression observée dans ce livre est certainement aussi une trace à venir. La traque de la musaraigne, c’est l’intitulé du récent roman publié par Florent Couao-Zotti, Prix Ahmadou Kourouma 2010 et l’une des voix majeures de la nouvelle littérature africaine. Paru en Février 2014 chez les éditions Jigal-Polar, en France et sélectionné pour le Prix international de la littérature francophone 2014, cet ouvrage est un roman policier ficelé par un soin digne de la catégorie. C’est l’histoire d’un Breton, Stéphane Neguirec qui s’est fait prendre au piège de la belle vie et de son gros penchant pour la femme. Déborah Palmer ou Pamela en sera la délivrance et l’attrape Nigaud car liée à un divorcé social, Jésus Light ou Ansah Ossey (un ghanéen) âprement à sa recherche. Il s’établira, tout le long de leur périple, un marché du faux et d’agression qui fera du Breton un otage de Boko Haram. L’intrigue est palpitante et le style alerte. Si Florent Couao-Zotti n’est plus à présenter pour son art de raconter, sa dextérité à faire recours aux couleurs locales est ici interpelant. Par exemple, ce que continue d’être de grandes villes africaines comme Cotonou et Porto-Novo en matière de salubrité, après plus de d’un demi siècle d’indépendance.
  • Tes lèvres où j’ai passé la nuit, Daté Atavito BARNABE-AKAYI, Poésie, Plumes Soleil, Cotonou, 2014, 8Op.
La révélation ou le phénomène poétique des trois dernières années au Bénin s’appelle Daté Atavito BARNABE- AKAYI, remarquable par le caractère merveilleusement iconoclaste de son écriture autant dans la forme que dans le fond. Et il l’a encore fait. Tes lèvres où j’ai passé la nuit, Imonlè 158, est le nouveau procréé de la lignée des Imonlè (lumière en Yoruba). Comme Noire comme la rosée (2011), Tristesse ma maîtresse (2011), Solitude mon S (2012), Tes lèves où j’ai passé la nuit (2014) ne commence pas par une lettre majuscule et ne se termine pas par un point. Elle ne s’encombre pas non plus de pudeur ni d’hypocrisie qui auraient pour prétexte la sauvegarde d’une morale dont les avant-gardistes n’en détiennent pas l’ « ipséité ». Si la femme peut être décrétée cœur de la poésie, sa nudité serait l’oxygène de celle de Daté pour rendre à la créature sa valeur jusque dans ses dimensions intimes. Mais le poète intimiste et surtout dans cette nouvelle parution ne montre point pour dessein d’exhiber la nudité de la femme par fantaisie. Il se dégage plutôt de sa poésie l’expression de la conséquence directe de cette nudité sur le sexe opposé et la portée spirituelle qui s’en accommode. Le titre Tes lèvres où j’ai passé la nuit, peut déjà amener à se poser des questions : de quelles lèvres s’agit-il ? Chers lecteurs, poussez, le plus loin possible, les réflexions. Serait-ce t-il nécessaire de vous conseiller de ne pas vous référer à la couverture du livre ?
  • Omon-mi, Ousmane Aledji, théâtre, Plumes Soleil-Artisttik Edition, 2014.
L’une des parutions de la collection théâtre de Plume Soleil à captiver plus d’une attention ce mois de juillet s’appelle Omon-mi (Mon enfant, en langue Yoruba). Une pièce de théâtre écrite par Ousmane Alédji qui reste un géant du théâtre contemporain au Bénin tout comme en Afrique. Le dramaturge, metteur en scène et formateur, a, cette fois, abordé un fait social, culturel et ou cultuel de son milieu. L’exécution des nouveau-nés qui ont eu la malchance de connaître des anomalies génétiques. La société traditionnelle dénomme ses bébés les enfants sorciers qu’on ne doit laisser vivre sous aucun prétexte. Un texte rythmé d’actions portant le souffle d’engagement qui est reconnu à Ousmane Alédji.