Dossier pédagogique – « Petit Pays » de Gaël Faye

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Ce dossier est destiné aux enseignants des écoles secondaires. Il constitue un support pour préparer leurs cours sur le livre « Petit Pays » de Gaël Faye en proposant des clefs de lecture, des pistes d’interprétation et d’analyse. Par ailleurs, il propose des activités visant à développer le goût pour la lecture et soutenir la créativité littéraire des élèves.

 > Âge: élèves de secondaire à partir de 12 ans
> Matière(s): Français, Histoire
> Dossier pédagogique N°1 – juillet 2019
> Mots-clés: enfance, identité, violence, guerre civile, famille


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complet du livre « Petit Pays » – Gaël Faye

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L’AUTEUR

Portrait-GaëlFaye

Gaël Faye est un écrivain, compositeur et rappeur franco-rwandais. S’il ne parle pas Kinyarwanda, il est toutefois étroitement lié par son histoire et ses origines familiales à la culture et à l’histoire du Rwanda et du Burundi.

Il est né à Bujumbura, Burundi, d’un père français et d’une mère rwandaise. Il passe toute son enfance au Burundi jusqu’à ce que la guerre civile de 1993 le force à quitter la région et à s’installer en Europe où sa mère vit déjà.

Arrivé en France à l’âge de 11 ans, coupé de ses amis et du cadre où il avait grandi, il commence à écrire pour faire face à la solitude et à l’exil. Il découvre le rap, participe à des ateliers d’écriture et commence à chanter et à écrire des textes de rap, s’inspirant de la culture hip hop et de la littérature française et des Caraïbes.

Plus tard, il fait des études de finance et d’économie et travaille pendant quelques années dans le secteur de la finance et des assurances en France et en Angleterre. Mais l’appel de la musique est plus fort et il démissionne de son poste.

En 2010, Gaël Faye sort son premier album avec le groupe Milk Coffee & Sugar. En 2013 suit son premier album solo, Pili Pili sur un Croissant au Beurre. Le CD, enregistré entre Bujumbura et Paris, est marqué par différentes influences musicales : rap teinté de soul et de jazz, semba, rumba congolaise et sébénéLa plupart des chansons, dont il signe les textes, explorent les thèmes de l’identité, de l’humanité et de l’amour.

En 2016, l’artiste publie en France un roman intitulé “Petit Pays”. Le livre reçoit un accueil exceptionnel et est couronné de plusieurs prix littéraires, dont le Prix Goncourt des Lycéens en France. Il est traduit en plusieurs langues dont l’italien, l’allemand, l’anglais et le kinyarwanda.

En 2017 Gaël Faye sort son second album « Rythmes et Botanique »  dont il a écrit les textes au Rwanda.

En 2019, son roman est adapté au cinéma.

LE ROMAN

Résumé

En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un quartier confortable de Bujumbura. Il coule des jours heureux au cœur de son impasse, entouré de ses amis, Gino, les jumeaux et Armand,  avec qui il fait les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays »  malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la violence s’infiltrer dans son quotidien. Après l’assassinat du président burundais, le pays bascule peu à peu dans la guerre civile, alors que dans le pays voisin, au Rwanda, un génocide est perpétré contre les Tutsi. Gabriel cherche en vain à protéger son monde d’enfant, refusant de choisir son camp, mais il devra faire le deuil de sa vie d’avant et de son enfance ; il va se découvrir métis, Tutsi, Français.

Les personnages

Gabriel, surnommé Gaby, est un garçon de 10 ans. Il habite à Bujumbura avec sa mère rwandaise et son père français. Il ne parle ni kirundi ni kinyarwanda mais considère le Burundi, où il est né, comme son pays. Il est élève à l’école française de Bujumbura et passe le plus clair de son temps avec sa bande de copains qui habite dans la même impasse que lui. Adulte, il vit en France et se remémore son enfance à Bujumbura. Gabriel a principalement le rôle d’un témoin et de narrateur dans l’histoire. Il prend conscience peu à peu des clivages et de la violence de la société burundaise. Face à une réalité qui lui avait échappé, il essaie en vain de sauvegarder son enfance et son quotidien en refusant de prendre parti pour un camp. Le point de vue d’un enfant permet à l’auteur d’introduire une certaine distance par rapport à la réalité et d’ajouter une dimension poétique à l’écriture.

Les amis

Les jumeaux, voisins de l’impasse. Leur mère est burundaise, leur père français. Ils ont toujours des histoires drôles ou étranges à raconter (voir chapitre 5). Lorsque le conflit éclate au Burundi, ils sont les premiers à quitter le pays.

Gino est le plus âgé des garçons de la bande et l’ami le plus proche de Gabriel. Métis comme lui, il vit dans l’impasse avec son père belge, professeur à l’université. Personne ne sait où vit exactement sa mère rwandaise, c’est son secret. Gino essaie d’initier Gabriel à la politique (voir chapitre 11). Lorsque la guerre civile éclate, il n’hésite pas à choisir un camp et opte pour la violence.

Armand, fils d’un diplomate burundais, est un voisin de l’impasse. Sa famille est très stricte et sérieuse, ce qui n’empêche pas Armand d’être drôle et d’aimer rire. Comme Gabriel, il refuse au début de prendre part à des actes violents.

Francis est un garçon plus âgé. Contrairement aux autres, il n’habite pas dans l’impasse. Originaire du Congo, il vit avec un vieil oncle dans le quartier. Francis est un personnage ambivalent. Orphelin, c’est une personnalité fragile. Dans le même temps il se radicalise très vite et incite les autres garçons à prendre part aux violences ethniques.

Mme Economopoulos est une vieille voisine grecque. Elle aime les livres et fait découvrir à Gabriel le plaisir de la lecture.

La famille

La mère, Yvonne, a quitté le Rwanda pour le Burundi avec sa famille lorsqu’elle était enfant pour fuir les violences perpétrées contre les Tutsi. Une partie de sa famille vit encore au Rwanda. Yvonne est une belle femme. Active et décidée, elle tient une boutique à Bujumbura. Elle a souffert de l’exil et du rejet durant son enfance et rêve de quitter la région pour vivre en France. En 1994, elle ose retourner au Rwanda à la recherche de ses proches. Confrontée à l’horreur du génocide, elle sombre dans la folie. Yvonne est sans doute le personnage le plus important du roman. Contrairement à son mari, elle a conscience des dangers à venir et ose affronter la réalité. À travers ce personnage, Gaël Faye dit avoir voulu rendre hommage aux survivants du génocide rwandais.

Le père, Michel est un entrepreneur français. Il vit au Burundi depuis des années où il a épousé Yvonne lorsqu’il était jeune. Il tente de préserver ses enfants de la politique et de la violence, refusant de voir parfois la réalité des choses.

Ana, la sœur. Plus jeune que Gabriel, elle est toutefois souvent plus lucide que son frère.  Très proche de sa mère, elle sera vivement affectée par la folie de cette dernière. Devenue adulte, elle refuse de retourner au Burundi, un « pays maudit » selon elle.

Rosalie, l’arrière-grand-mère est née au Rwanda et ne parle pas français. Très âgée, elle connait des contes sur le Rwanda et l’ancien royaume qu’elle aime raconter à ses petits-enfants (voir chapitre 5).

Pacifique, l’oncle, est un jeune étudiant prometteur. Il rêve de retourner au Rwanda même s’il a grandi au Burundi. Il est intelligent, honnête et aime chanter. Il rejoint finalement l’armée du FPR. Il épouse une jeune femme rwandaise, qui sera assassinée pendant le génocide contre les Tutsi. Pacifique incarne le destin tragique des jeunes rwandais exilés.

La famille à Kigali : Eusébie, la jeune sœur d’Yvonne, est veuve et élève seule ses quatre enfants : Christian, Christelle, Christiane et Christine. Inquiète de la montée des violences contre les Tutsi, elle refuse pourtant de quitter le Rwanda.

Jacques, l’ami de Michel : ce vieux belge a toujours vécu au Congo (à cette époque le Zaïre). Raciste et misogyne, il est néanmoins un ami de longue date de Michel et il vient en aide à la mère de Gabriel. Contrairement à de nombreux expatriés, il décide de rester alors que la région bascule dans la violence.

Les employés

Prothé est le cuisinier de la famille de Gabriel et il prend soin des enfants. Supporter du Frodebu, il est désespéré mais fataliste face à l’évolution politique du pays. Malgré les violences ethniques quotidiennes, il se rend courageusement chaque jour à son travail.

Donatien est contremaitre dans l’entreprise de Michel. Il s’entend bien avec Gabriel même s’il regrette parfois l’égoïsme de ce dernier. D’origine congolaise, il a grandi à Bujumbura et vit à Kamenge, un quartier victime d’attaques quotidiennes pendant la guerre civile.

Innocent est le chauffeur burundais de Michel. Il est souvent hautain et impoli envers les autres employés, mais Michel l’apprécie car il a de nombreuses relations au sein des administrations du pays. Partisan de l’Uprona, il n’hésite pas à utiliser la violence contre les Burundais hutu et est finalement renvoyé par Michel. Il prend alors la tête d’une milice.

Le titre

« Petit Pays » désigne à la fois le Burundi et le Rwanda. L’adjectif « petit » a une valeur affective. C’est aussi le pays de l’enfance, celui pour lequel on ressent de la nostalgie.

C’est également le titre d’une chanson tirée de l’album « Pili Pli sur un croissant au beurre » https://www.youtube.com/watch?v=XTF2pwr8lYk

Gahugu gatoyi
Gahugu kaniniya
Warapfunywe ntiwapfuye
Waragowe ntiwagoka

Résumé chapitre par chapitre

Prologue “On ne dira rien du pays en eux”.

Nous entendons deux voix dans l’introduction du roman. La première est celle du jeune Gabriel qui vit au Burundi. Son père lui explique quelles seraient les différences entre Hutu et Tutsi, mais Gabriel n’est pas convaincu. Il est plus inquiet par les crispations et les tensions qu’il perçoit autour de lui et à l’école.

La seconde voix est celle de Gabriel adulte. Ce dernier vit désormais à Paris et est sur le point de retourner au Burundi, son pays natal, après un appel téléphonique dont on ne connait pas la teneur. Il évoque son mal être en France, les difficultés qu’il a connues pour s’adapter et ses problèmes d’identité. Il exprime sa profonde nostalgie de son enfance passée au Burundi, associée à des temps heureux où il vivait en famille.

La séparation

Chapitre 1 : Gabriel se remémore son enfance et particulièrement le moment où ses parents se sont séparés, alors que le Burundi basculait dans la crise.

Chapitre 2 : Alors qu’ils se trouvent à Bukavu (Congo, Zaïre à cette époque) chez Jacques, un ami belge de Michel, les parents de Gabriel se disputent violemment. Gabriel constate que l’atmosphère au Zaïre est très différente de celle du Burundi. Nous apprenons dans ce chapitre que la mère de Gabriel est née au Rwanda mais a dû fuir vers le Burundi en 1963 avec sa famille pour échapper aux violences contre les Tutsi. Elle s’est toujours sentie depuis comme une réfugiée et est convaincue que de nouvelles persécutions pourraient avoir lieu. Elle rêve d’émigrer en France, alors que son mari préfère rester au Burundi où il refuse de voir les tensions s’aggraver.

Chapitre 3 : Gabriel passe son dernier week-end en famille. Ses parents se disputent et sa mère décide de quitter la maison. Désormais Gabriel et sa sœur Ana vivent avec leur père et rendent parfois visite à leur mère.

Chapitre 4 : Gabriel célèbre Noël avec son père. Il reçoit pour cadeau un vélo rouge. Alors qu’il passe quelques jours avec son père dans la forêt de Kibira dans un village pygmé, le gardien de la maison Calixte cambriole la boutique de son patron et vole le vélo de Gabriel.

Chapitre 5 : La circoncision. Les jumeaux, voisins de Gabriel, racontent leurs vacances dans le village de leurs grands-parents. Leur grand-mère burundaise a pris la décision de les circoncire sans en informer leurs parents. Les jumeaux jurent “Au nom de Dieu” qu’ils ont beaucoup souffert. Ils ajoutent qu’ils ont aperçu le vélo volé de Gabriel à Cibitoke.

Chapitre 6 : C’est le matin. Les enfants s’apprêtent à partir à l’école. Le père de Gabriel donne ses instructions à ses employés.

Chapitre 7 : Gabriel et sa sœur sont scolarisés à l’école française de Bujumbura. Gabriel a une correspondante française, Laure. Il lui parle dans ses lettres de sa vie à Bujumbura, de son école et des élections à venir. Laure évoque sa vie en France.

Chapitre 8 : Gabriel part à la recherche de son vélo volé, en compagnie de Donatien et d’Innocent. Ils rendent visite à la grand-mère des jumeaux et parcourent différents villages jusqu’à ce qu’ils attrapent Calixte. Mais il s’avère que ce dernier a déjà vendu le vélo. Ils retrouvent finalement la bicyclette chez un paysan pauvre. En dépit des cris et des pleurs de la famille du paysan et des reproches de Donatien, Gabriel reprend son vélo.

Chapitre 9 : “Le retour au pays”. Gabriel rend visite à la famille de sa mère à Bujumbura. Il admire son jeune oncle Pacifique, un étudiant qui rêve de rejoindre l’armée du FPR. Son arrière-grand-mère Rosalie connait de nombreux contes sur l’ancien royaume du Rwanda qui fascinent Pacifique. Comme Rosalie, ce dernier aimerait retourner au pays natal. Gabriel ne partage pas cette nostalgie. Lui, qui a grandi dans une famille franco-rwandaise au Burundi et ne parle pas kinyarwanda, préfèrerait jouer avec ses copains plutôt que d’écouter ces histoires.

Les amis

Chapitre 10 : La bande de Gaby. Gabriel et ses quatre amis vivent dans l’impasse de Kinanira. Les cinq se surnomment les “ Kinanira Boyz”  et sont inséparables. Ils font les quatre-cent coups mais ne sont pas méchants. Ils ont pris l’habitude de jouer dans une vieille voiture, volent parfois des mangues et pêchent les après-midi. Mais l’ambiance à Bujumbura est en train de changer. Les enfants ressentent de la peur et commencent à se défier des habitants des autres quartiers.

Chapitre 11 : Problèmes d’identité. Contrairement à Gaby, Gino revendique son identité rwandaise. Gabriel, lui, refuse de choisir une identité unique. Pour lui, son monde est ancré au Burundi et est constitué de sa famille, de son école et de ses amis. Il refuse de se sentir concerné par les conflits du Rwanda et du Burundi, conscient que ces nouvelles violences pourraient affecter son enfance paisible. Mais la réalité le rattrape. Son oncle Pacifique rejoint  l’armée du FPR. Au cabaret, où Gaby et Gino décident un soir de se rendre, les gens expriment leurs sentiments de revanche et leurs craintes pour l’avenir.

Chapitre 12 : Les premières élections présidentielles démocratiques sont organisées au Burundi. Gabriel, en tant qu’enfant, ne comprend pas pourquoi les gens se réjouissent et sont dans le même temps aussi nerveux. Entre Innocent et Prothé, les deux employés, les tensions s’accroissent.

Chapitre 13 : Le jour des élections. Melchior Ndadaye du parti politique Frodebu a gagné les élections. Gabriel ne sait pas s’il s’agit d’une bonne nouvelle mais constate que son père est très inquiet.

Chapitre 14 : L’anniversaire de Gabriel. Gabriel célèbre son 11ème anniversaire en compagnie de sa famille, de ses amis et des voisins. Les vacances ont commencé, et sa mère participe à la fête, ce qui réjouit Gabriel. Mais Francis, l’ennemi de sa bande, vient à la fête sans y être invité et se bat avec Gino.

Le Burundi bascule dans la violence

Chapitre 15 : Après les vacances, Gabriel rentre à l’école secondaire. Son souci se concentre alors sur ses vêtements : lui et ses amis n’ont pas beaucoup d’argent comme certains enfants expatriés et ne peuvent acquérir les vêtements de marque à la mode. Un  tremblement de terre secoue Bujumbura,  ce que le narrateur de l’histoire associe aux violences qui secouent régulièrement le pays.

Chapitre 16 : Coup d’Etat. Le président nouvellement élu ainsi que d’autres membres du gouvernement ont été assassinés par des soldats. Des massacres ont lieu dans le pays. Gabriel et sa famille restent à la maison et attendent la suite des évènements.

Chapitre 17 : « Le pays était fait de chuchotements et d’énigmes. »  Le calme semble régner dans le centre de Bujumbura mais un couvre-feu a été imposé. Prothé, le cuisinier, est désespéré, lui qui soutenait le président assassiné. Dans les collines, des civils hutu ou tutsi sont tués et des milliers de personnes fuient vers les pays voisins. Dans la nuit, Gabriel entend des tirs au loin tandis que son impasse est calme, pour le moment du moins.
Un jour, la bande de Gabriel se rend chez Francis pour voler des mangues. Mais les choses tournent mal : Francis attrape Gabriel et Gino et tente de les noyer dans la rivière. Gino, sous la menace de Francis, finit par avouer que sa mère, que personne ne connait, est en fait morte.

Chapitre 18 : Le Burundi s’enfonce dans la violence. Des gangs de jeunes hommes bloquent les rues de Bujumbura et s’attaquent aux passants et aux habitants. Le père de Gabriel, qui voulait protéger ses enfants de la politique, doit désormais stopper une partie de ses activités. A la maison Prothé et Innocent se disputent violemment. Des tensions surgissent également à l’école entre élèves tutsi et hutu. Gabriel prend conscience des divisions au sein de la société burundaise. Dans une guerre civile, chacun doit choisir un camp, même s’il ne le désire pas. “Moi qui souhaitais rester neutre, je n’ai pas pu. J’étais né avec cette histoire. Elle coulait en moi. Je lui appartenais »

Rwanda

Chapitre 19 : À l’occasion du mariage de Pacifique, l’oncle de Gabriel, avec une jeune femme rwandaise, Gabriel, Ana et leur mère se rendent au Rwanda chez Eusébie, la jeune sœur d’Yvonne. Celle-ci a quatre enfants et vit à Kigali. Gabriel joue avec son cousin Christian. Pacifique ne croit pas à la paix qui vient d’être signée entre le gouvernement rwandais et le FPR. Il craint que les Hutu extrémistes préparent des massacres d’opposants et de la population tutsi. Il demande donc à Yvonne d’abriter son épouse et les enfants d’Eusébie au Burundi à partir d’avril.

Chapitre 20 : En route pour Gitarama, où se déroule le mariage,  la famille de Gabriel est arrêtée à un check-point par des militaires hutu. Ces derniers menacent les femmes et les enfants et cassent une fenêtre de la voiture. Gabriel découvre l’atmosphère violence et terrifiante qui règne au Rwanda. A la radio, les Tutsi sont nommés Inyenzi (cafards).

Chapitre 21 : La piscine. Au Burundi, un nouveau président a été élu par le Parlement. Mais des civils continuent d’être tués. Francis a rejoint la bande de Gabriel. Il emmène un jour tous les garçons en taxi à la piscine du collège des Jésuites sur les hauteurs de Bujumbura. Gabriel parvient à vaincre sa peur pour la première fois et saute du grand plongeoir devant le regard admiratif de ses amis.

Le génocide au Rwanda

Chapitre 22 : Les présidents du Rwanda et du Burundi ont été assassinés. Yvonne apprend par Eusébie que des extrémistes hutu sont en train de s’attaquer aux Tutsi et aux opposants. La mère de Gabriel tente de joindre à nouveau Eusébie mais celle-ci ne donne plus signe de vie. Depuis Bujumbura, Yvonne tente en vain de sauver ses proches restés au Rwanda en appelant l’ambassade de France ou des organisations internationales. Désespérée et impuissante, elle vit pendant trois mois le génocide des Tutsi à distance. Lorsque l’armée du FPR conquiert Kigali, Yvonne décide de se rendre au Rwanda à la recherche des membres de sa famille dont elle est sans nouvelle. Mais le Rwanda est devenu un charnier.

Chapitre 23 : Les jumeaux ont quitté le Burundi. Francis prend le leadership de la bande de copains. Il incite les garçons à défendre leur quartier et à attaquer les Hutu puisque les Tutsi sont menacés. Gabriel refuse cependant de participer aux violences. Il préfère se plonger dans les livres que sa voisine, Mme Economopoulos, lui prête. Les romans lui permettent de s’évader loin de la guerre et des murs de son impasse.

Chapitre 24 : La violence et l’insécurité font désormais partie du quotidien à Bujumbura. La famille de Gabriel n’a plus de nouvelles d’Yvonne depuis le départ de celle-ci au Rwanda. Un jour, Jacques la ramène à la maison. Il a trouvé Yvonne errant à Bukavu. La mère de Gabriel est difficilement reconnaissable. Elle raconte à sa famille qu’elle n’a trouvé que des morts au Rwanda. Elle a dû enterrer elle-même les cadavres des enfants d’Eusébie. A Gitarama, elle a retrouvé la trace de Pacifique mais ce dernier a été fusillé par sa propre armée pour avoir assassiné les meurtriers de son épouse. Yvonne a ensuite cherché en vain Eusébie jusqu’au  Zaïre.

La fin de la paix dans l’impasse

Chapitre 25 : Qui est l’ennemi ?  En dépit des dangers quotidiens, Donatien et Prothé  se rendent chaque jour chez Gabriel pour s’occuper de la maison. Donatien évoque les attaques contre le quartier de Kamenge. Gino et Francis ont acheté des grenades et veulent désormais se procurer une arme pour défendre leur rue contre de possibles agresseurs hutu. Gabriel et Armand sont horrifiés par cet engrenage de violence. « Je ne suis ni hutu ni tutsi, ai-je répondu. Ce ne sont pas mes histoires. Vous êtes mes amis parce que je vous aime et pas parce que vous êtes de telle ou de telle ethnie. »

Chapitre 26 : « Elle était moins folle que le monde qui l’entourait ». La mère de Gabriel est en vie mais n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle est traumatisée par ce qu’elle a vu au Rwanda et a commencé à boire pour affronter les souvenirs du génocide. La nuit elle réveille sa fille pour lui raconter en détail comment elle a trouvé les cadavres de leurs petits cousins assassinés à la machette. Yvonne ne peut supporter l’idée que ses enfants vivent, alors que tant d’enfants rwandais ont été assassinés. Un jour, elle devient violente, quitte la maison et disparait pour toujours.

Chapitre 27 : “Tu ne viendras pas”. Gaby écrit une lettre à son cousin Christian, victime du génocide, alors que ce dernier aurait dû venir le voir à Bujumbura pendant les vacances de Pâques. Gabriel exprime son chagrin de l’avoir perdu et son sentiment que son propre monde est en train de basculer.

Chapitre 28 : « La part d’enfance en soi ».  En l’absence de Michel, des hommes armés s’introduisent sur la parcelle. Ils menacent Prothé parce que ce dernier est hutu ainsi que Gabriel et Ana parce qu’ils sont français. Les tirs et la peur sont devenus quotidiens. Gabriel tente encore de se protéger de la violence en s’isolant dans son lit, lisant et espérant que la guerre prenne vite fin.

Chapitre 29 : « La guerre venait de faire irruption chez nous. » Le père d’Armand a été tué juste devant sa maison dans l’impasse. Les adolescents décident de le venger et suivent Francis qui les conduit jusqu’au chef de la milice tutsi des “Sans-Défaite”. Ce dernier n’est autre qu’Innocent, l’ancien employé de Michel. Il oblige Gabriel à tuer le présumé assassin du père d’Armand, en mettant le feu à une voiture arrosée d’essence.

Chapitre 30 : « Il neige sur Bujumbura. » Gabriel écrit une dernière fois à sa correspondante Laure. Il imagine un monde blanc et paisible, recouvert de neige.

Chapitre 31 : « Je n’ai pas quitté le pays, je l’ai fui. » La guerre s’intensifie au Burundi. Prothé, le cuisinier de la famille, est retrouvé mort dans le caniveau de l’impasse. Michel décide d’envoyer ses enfants en France dans une famille d’accueil. Lui reste au Burundi.

Epilogue : Vingt ans plus tard, Gabriel est de retour à Bujumbura à la recherche de son passé et des traces de son enfance. Son père a été tué pendant la guerre civile burundaise. Tous ses anciens amis ont quitté le quartier ou le pays. Seul Armand est resté. Celui-ci entraîne Gabriel au cabaret. Alors que Gabriel lui explique qu’il est revenu au Burundi pour venir chercher les caisses de livres que Mme Economopoulos lui a léguées, il entend une voix familière. Dans l’obscurité du cabaret, il reconnait alors, sous les traits d’une vieille femme alcoolique, sa mère dont il n’avait plus de nouvelles.

Les lieux

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Bujumbura, Burundi : la capitale du Burundi offre le décor principal de l’histoire. La ville est évoquée « à hauteur d’enfant », au gré des déplacements de la bande de copains. On suit Gabriel dans son quartier (Kinanira), au Cercle nautique sur les bords du lac Tanganyika, à l’école française (Rohero), à Ngagara chez sa grand-mère ou sur les hauteurs de la ville à Kiriri.

D’autres collines du Burundi sont parfois évoquées, comme Cibitoke, où Gabriel part à la recherche de son vélo ou bien la forêt de la Kibira où vivent les Twa.

L’action se passe plus particulièrement dans une impasse du quartier résidentiel de Kinanira à Bujumbura, où habitent Gabriel et ses amis. « L’impasse était un cul-de-sac de deux cent mètres, une piste de terre et de cailloux avec, en son centre, des avocatiers et des grevilleas qui créaient naturellement une route à deux voies. Des brèches dans les clôtures de bougainvilliers permettaient de discerner d’élégantes maisons au milieu de jardins plantés d’arbres fruitiers et de palmiers » (chapitre 11, p.85). Cette rue paisible est perçue comme un cocon protecteur, un monde en soi pour les enfants, mais qui les isole et se transforme peu à peu en un piège. « Je voulais me lover dans un trou de souris, me réfugier dans une tanière, me protéger du monde au bout de mon impasse » (chapitre 26). A l’image du pays, l’impasse est gagnée par la méfiance, la peur puis par la violence et la mort.
Kinanira est décrit comme un quartier résidentiel assez aisé où habitent des familles d’expatriés européens et des membres de l’élite burundaise (ambassadeurs, professeurs). Lors de la guerre civile, les Hutu sont chassés du quartier par des milices tutsi.

L’autre lieu omniprésent est le Rwanda, le pays voisin auquel pense sans cesse la famille rwandaise de Gabriel. La guerre civile, les menaces contre les Tutsi et le génocide constituent l’une des trames du roman. Gabriel se rend à Kigali et à Gitarama pour le mariage de son oncle.

Le contexte historique

Malgré les apparentes analogies entre les deux sociétés, le Burundi et le Rwanda ont des histoires précoloniales et coloniales distinctes. Pourtant les deux pays « faux frères » connaissent des crises qui se font écho et qui alimentent les tensions ethniques respectives.

Le roman se déroule sur la période 1993 -1994 et retrace le basculement dans la guerre civile au Burundi et la violence génocidaire au Rwanda. Même s’il est difficile de résumer la situation en peu de pages, voici quelques repères historiques qui peuvent permettre de mieux comprendre les évènements auxquels il est fait allusion dans le livre. On s’est inspiré notamment des écrits et des interviews de Jean-Pierre Chrétien, historien spécialiste de la région (en particulier L’Afrique des grands lacs. Deux mille ans d’histoire, de J-P. Chrétien,  Flammarion, 2000).

À l’indépendance en 1962,  la « question hutu-tutsi » ne se pose pas au Burundi. Les deux principaux partis à l’époque, Uprona (Union pour le Progrès National) et Front commun, rassemblent des Hutu et des Tutsi, chrétiens et musulmans sous la conduite de « princes de sang », les Baganwa. Mais le voisinage géographique et culturel du Rwanda se fait sentir, et le modèle du populisme racial qui a inspiré la « Révolution sociale » ou « Révolution hutu » de 1959 gagne le Burundi après la vague de massacres contre les Tutsi au Rwanda en 1959 puis en 1963-1964 : de nombreuses familles rwandaises se réfugient alors dans les pays voisins. Le spectacle de dizaine de milliers de réfugiés rwandais tutsi incite certains Burundais à la méfiance envers les Hutu. On observe aussi, depuis ces années, le transfert au Burundi du vocabulaire en usage chez les extrémistes hutu du Rwanda. Dans le roman « Petit Pays », ce sont les tueries de 1963 qui ont contraint la famille d’Yvonne à fuir au Burundi.

Au Burundi en 1965, en 1972, en 1988 ou en 1993, les vagues de massacres et de contre-massacres visant les Hutu ou les Tutsi sont réinterprétées selon une grille de lecture ethnique ; pourtant d’autres logiques comme celle des appartenances claniques ou régionales entrent en compte. En outre les violences sont liées d’abord aux contradictions de la politique intérieure burundaise, même si elles font souvent écho aux tensions politiques du voisin rwandais et s’inscrivent dans des dynamiques et tensions régionales.
Dès 1966, l’Uprona (Union pour le progrès national), parti désormais à dominante tutsi, prend le pouvoir au Burundi sous la houlette d’un militaire qui prend le pouvoir par un coup d’Etat. L’appareil sécuritaire est dominé par les Tutsi. L’obsession ethnique envahit peu à peu la vie politique. En 1972 une rébellion hutu commet dans le Sud du pays des massacres contre des Tutsi et des Hutu qui refusent de participer aux tueries. Il s’ensuit une répression terrible contre les élites économiques et intellectuelles hutu. Après de nouveaux massacres de Tutsi en 1988 et une nouvelle et violente répression militaire, le président Buyoya cherche une issue politique et prépare une transition démocratique.

En 1993 la démocratie et la réconciliation semblent se profiler dans les deux pays. C’est pendant cette période charnière qui ne tiendra pas ses promesses que se déroule le roman. Cette année-là sont organisées les premières élections libres et pluralistes depuis l’indépendance du Burundi. Ces élections, qui soulèvent beaucoup d’espoir, sont remportées par Melchior Ndadaye, du Front pour la démocratie du Burundi (Frodebu), parti à dominante hutu, mais non extrémiste. Ndadaye nomme ainsi une première ministre tutsi. C’est la première fois qu’un civil devient Président.

Au Rwanda le régime d’Habyarimana est en crise depuis 1990. Il doit faire face à un mécontentement intérieur et à des attaques de réfugiés tutsi venus d’Ouganda, du Burundi et du Zaïre et regroupés sous la bannière du Front patriotique rwandais (FPR). En 1991, sous la pression internationale, le pouvoir rwandais accepte de former un gouvernement de coalition et de négocier avec le FPR à Arusha (Tanzanie). Ces négociations sont cependant ponctuées de massacres et pogroms contre les Tutsi à l’intérieur du pays, et les années 1990-1994 voient la violence et l’idéologie raciste s’aggraver et s’intensifier. En août 1993, des accords prévoyant le partage du pouvoir sont signés. Mais en parallèle, les franges extrémistes du gouvernement rwandais se mobilisent. Dans le roman « Petit Pays », c’est à ce moment que l’oncle de Gabriel, Pacifique, engagé dans la rébellion du FPR, se marie avec une jeune fille de Gitarama.

Au Burundi, le 21 octobre 1993, le gouvernement burundais est victime d’un coup d’État mené par l’armée. Le président Melchior Ndadaye et plusieurs ministres et membres du Frodebu sont tués (chapitre 16 du roman). Rapidement, des Tutsi et des Hutu supporters de l’Uprona sont massacrés, dans le centre, le nord et l’est du pays. Les militaires contre-attaquent en massacrant des milliers de Hutu. Des milliers de Burundais fuient au Rwanda, on compte plus de 100 000 déplacés à l’intérieur du pays. Si des institutions sont rétablies dans un premier temps, à Bujumbura, la capitale, on observe dès les premiers mois de 1994 « une véritable ségrégation des quartiers » (Chrétien) : au Nord à Kamenge par exemple, les Tutsi sont forcés de fuir le quartier. A Kinanira ce sont les Hutus qui sont menacés. Des bande de jeunes Tutsi épurent des parties de la ville à l’occasion de « journées ville morte » (voir chapitre 28 du livre). « Un véritable apartheid ethnique règne à Bujumbura, où des milices font la loi » (Chrétien). Quelques mois après, les Forces nationales de libération (FNL) et les Forces de défense de la démocratie (FDD-CNDD), deux groupes hutus, prennent les armes. C’est le début d’une longue guerre civile qui fera plus de 300 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés et déplacés et qui s’achèvera seulement dans les années 2000, avec notamment la signature de l’Accord de paix d’Arusha (2000).

Le livre « Petit Pays » a été écrit avant la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat et la reprise des violences en avril 2015.

Au Rwanda, l’application des accords signés en 1993 traine. Le 6 avril 1994, le président rwandais Juvénal Habyarimana est assassiné au cours d’un attentat faisant exploser son avion. Avec lui se trouvait également le nouveau président burundais élu par le parlement, Cyprien Ntaryamira. Des massacres de Tutsi et de Hutu modérés ont lieu dans les heures qui suivent et le génocide contre les Tutsi commence. Plus de 800 000 personnes, essentiellement tutsi mais aussi hutu non extrémistes, sont tués par les milices interahamwe et l’armée en l’espace de seulement trois mois. La rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) se bat contre l’armée du gouvernement génocidaire et les milices pendant trois mois et met fin au génocide en juillet 1994 en reprenant le pays. Des milliers de personnes fuient alors vers le Zaïre (République Démocratique du Congo, RDC, à partir de 1996), particulièrement les villes de Goma et de Bukavu, créant une crise de réfugiés dans l’Est de la RDC. Dans le roman « Petit Pays », c’est dans les camps de réfugiés de Bukavu qu’Yvonne cherche sa sœur Eusébie et c’est là que Jacques la retrouve, errante, et la ramène ensuite à Bujumbura.

Un roman ancré dans le réel, mais pas autobiographique

En dépit d’une narration à la première personne (« je »), « Petit Pays » ne raconte pas la vie de Gaël Faye. Il ne s’agit donc pas d’une autobiographie, ni d’un témoignage, mais bien d’une fiction tirée de l’imagination de l’auteur. Cette dimension n’est pas toujours facile à appréhender par de jeunes lecteurs et il peut être intéressant de travailler sur la notion de fiction avec les élèves (voir exercices proposés dans les activités pédagogiques).

Gabriel, le narrateur, est donc une invention de l’auteur, même si ce dernier avoue lui avoir choisi un prénom proche du sien (Gaël / Gabriel) afin de pouvoir se sentir proche de son personnage. Pour l’écrivain, la fiction offre plus de liberté qu’une autobiographie ou une littérature de témoignage.

De nombreux lecteurs, qui connaissent le Rwanda et le Burundi, peuvent toutefois identifier les lieux et certains évènements décrits dans le roman, car celui-ci reste ancré dans le réel. Gaël Faye a parfois transformé ses souvenirs d’enfance ainsi que des témoignages entendus ou lus. Il restitue avec justesse l’ambiance et les odeurs du Bujumbura de son enfance.

Les themes

■ L’enfance

Le thème central du roman est celui de l’enfance perdue, dont on peut rester nostalgique. L’auteur souhaitait restituer l’atmosphère propre à l’enfance : les relations entre enfants et parents, l’ennui des après-midi ou des vacances, les conversations sans fin entre copains.

L’utilisation d’expressions familières (comme « au nom de Dieu » chapitre 5) et certains récits (la circoncision, la visite au village, la piscine, la bande de copains) peuvent faire écho à l’expérience des élèves. Ceux-ci peuvent s’identifier facilement aux jeunes personnages et y trouvent une motivation supplémentaire à lire le roman.
Même sans avoir grandi à Bujumbura, tout lecteur peut s’identifier facilement à l’un des enfants et retrouver des sentiments ou des expériences tirés de sa propre enfance. Cette dimension universelle explique sans doute le large succès du livre dans différents pays.

Le choix d’un jeune narrateur permet d’introduire par ailleurs une dimension poétique au récit. La montée de la violence et les conflits sont analysés du point de vue d’un enfant, pour qui le cercle familial et amical est plus important que la vie politique des adultes ou les problèmes sociaux qui l’entourent. Il ne s’agit en aucun cas d’un récit historique ou d’un témoignage, il y a peu de dates et les explications des évènements sont toujours données du point de vue de l’enfant.

« Petit Pays » est un roman d’apprentissage et d’initiation dans lequel le jeune Gabriel bascule dans le monde adulte, probablement trop tôt à ses yeux. On le voit parvenir à maitriser sa peur (voir l’épisode du plongeoir au chapitre 21) et accepter peu à peu la séparation de ses parents. Il découvre dans le même temps la réalité violente cachée de son pays. C’est donc également une initiation à l’histoire et à la politique, à la violence et à la mort. À partir du moment où les amis de Gabriel imitent les adultes – dans leurs discours puis dans leurs gestes – ils ferment la porte à l’imaginaire qui peuplait leurs histoires et à l’enfance paisible qu’ils connaissaient jusque là. Seule la littérature peut alors aider Gabriel : les fictions romanesques remplacent les jeux et les rêves qu’il partageait avec ses amis.

 L’identité

Doit-on nécessairement appartenir à une ethnie ? Est-on obligé de choisir un pays, lorsqu’on partage plusieurs cultures ou nationalités ? Comment se forger une identité entre amis, famille et milieu social ? Peut-on échapper au racisme ?

En prenant conscience des tensions ethniques au Burundi, Gabriel se pose des questions sur son identité. Il refuse qu’on le définisse à travers des catégories ethniques ou raciales auxquelles il ne s’identifie pas. Le garçon est franco-rwandais mais a toujours vécu au Burundi qu’il considère comme son pays, même s’il n’en maitrise pas la langue ; sa mère est rwandaise mais ne lui a pas appris le kinyarwanda. Il est par ailleurs  métis et doit affronter les préjugés racistes de ceux qui le considèrent comme blanc en Afrique ou comme noir en Europe.

Ce métissage lui permet dans le même temps de refuser la grille ethnique simpliste que les adultes et certains de ses amis lui proposent : « Vous êtes mes amis parce que je vous aime et pas parce que vous êtes de telle ou de telle ethnie. » (Chapitre 25)

À travers ses personnages, Gaël Faye enjoint les jeunes à ne pas se laisser définir uniquement selon leur environnement social ou familial. Chacun a la possibilité de se définir.

■ La violence

Le basculement dans la violence est questionné tout au long du livre. A partir de quel moment bascule-t-on dans l’engrenage de la violence ? Peut-on la refuser ou y échapper ?

La violence des mots. Les mots ne sont pas innocents, comme le rappelle le passage sur la radio rwandaise extrémiste qui qualifie de « cafards » les citoyens rwandais tutsi (chapitre 20). On sait que ces mots conduiront à l’assassinat de près d’un millier de personnes.
Les enfants n’échappent pas à cette violence verbale. Au chapitre 17, Francis insulte la mère de Gino en la traitant de « catin ». On apprend alors que celle-ci est morte, assassinée peut-être.

La violence des actes. La violence gagne peu à peu la vie de Gabriel et prend de plus en plus de place dans le roman. Le jeune garçon entend parler de massacres puis assiste à un lynchage en pleine rue. Lorsque la violence devient quotidienne, celle-ci devient presque banale. Gabriel s’habitue au bruit des armes. C’est avant que ses proches ne soient directement touchés et que la guerre n’envahisse tout.
La question de la responsabilité est posée. Certains personnages choisissent la violence, tuent et incitent les autres à tuer, comme Innocent. D’autres, comme Gabriel, sont entrainés dans cet engrenage malgré eux. Le père de Gabriel, qui préfère rester en dehors de cette spirale, en sera finalement victime. Yvonne, elle, a conscience que la violence et la mort peuvent surgir à tout moment et qu’aucune société n’est immunisée.

Gaël Faye ne propose pas d’explications ou de solutions toutes faites, mais préfère poser des questions. Il incite le lecteur à conserver un esprit critique et semble le mettre en garde. La haine instrumentalisée à des fins politiques ou religieuses peut toucher tous les pays et diviser des sociétés.

 Le style et l’écriture 

Le roman mêle différents styles d’écriture et genres littéraires. Toutes les formes d’écriture intéressent Gaël Faye qui écrit aussi bien des textes de chanson que de la littérature. On retrouve cette variété de styles et de rythmes dans son premier roman « Petit Pays ».

L’oralité est très présente dans le roman, que ce soit à travers les nombreux dialogues ou l’utilisation d’expressions familières dans le récit. Le roman se prête bien à une lecture à haute voix et conserve une fluidité qui le rend agréable et assez facile à lire.
Le style est presque naïf dans les lettres du jeune Gabriel à sa correspondante et semble imiter la forme du roman épistolaire (chapitre 7). Ailleurs le roman prend une dimension théâtrale, grâce aux nombreux dialogues qui restituent au plus près la pensée des jeunes adolescents auxquels les élèves peuvent s’identifier facilement. Le chapitre 5 par exemple, dans lequel les jumeaux racontent leur circoncision, se prête bien à une lecture théâtrale. La répétition de l’expression « Au nom de Dieu », répandue au Burundi comme au Rwanda, crée un comique de répétition. L’oralité est ainsi très présente dans le livre, que ce soit à travers les nombreux dialogues ou l’utilisation d’expressions familières dans le récit.

Certains passages rappellent les compositions musicales très poétiques de Gaël Faye, notamment dans l’album « Pili Pili sur un croissant au beurre ». Ils peuvent être facilement slamés ou chantés (la fin du chapitre 10, par exemple).

Le début du chapitre 11 fait directement écho à une chanson écrite par Gaël Faye intitulée « L’ennui des après-midi sans fin » tirée de l’album « Pili Pili sur un croissant au beurre ». C’est l’instant du repos, des confidences et de l’amitié : « Rien n’est plus doux que ce moment où le soleil décline derrière la crête des montagnes. Le crépuscule apporte la fraîcheur du soir et des lumières chaudes qui évoluent à chaque minute. À cette heure-ci, le rythme change. » (Chapitre 11). Dans ce passage de poésie en prose, l’auteur évoque tous les sens : les odeurs enivrantes du frangipanier (odorat), les sons de la radio (ouïe) et surtout la lumière douce caractéristique des fins d’après-midi (vue), qui met en valeur chaque détail. Les verbes sont au présent, ce qui semble figer ce moment dans le temps : « Les gens rentrent tranquillement du travail, les gardiens de nuit prennent leur service, les voisins s’installent devant leur portail. »

La musique est d’ailleurs très présente dans le roman.  Des chansons sont régulièrement citées, on écoute la radio avec les personnages (exemple « Sambolera » chapitre 3, Papa Wemba, etc.)

Gaël Faye a dit plusieurs fois être marqué par la littérature et la poésie des Caraïbes. Dans l’épilogue, il cite ainsi le poète haïtien Jacques Roumain (1907-1944) : « Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et des femmes… »  Cet extrait de l’ouvrage de Jacques Roumain, « Gouverneurs de la rosée », donne tout son sens au retour au pays natal de Gaby après ces longues années d’absence. Il est à lire en écho avec l’épilogue, qui évoquait la poésie du pays qu’on a dû fuir : « On ne dira rien du pays en eux. La poésie n’est pas de l’information. Pourtant, c’est la seule chose qu’un être humain retiendra de son passage sur terre. » (Epilogue de « Petit Pays »).

On peut aussi rapprocher Petit Pays du Cahier d’un retour au pays natal (1947), recueil poétique d’Aimé Césaire (1913-2008) dans lequel l’écrivain martiniquais réaffirmait son lien avec sa terre natale.

L’influence de Césaire est également perceptible au chapitre 30 qui offre une vision fantastique voire hallucinée de Bujumbura. Dans sa dernière lettre désespérée adressée à Laure, Gaby réinvente une ville imaginaire, recouverte de neige, où tout est inversé, comme sur un négatif de pellicule photographique. Les prisons sont devenues des écoles, les balles des boules de neige.

« Des jours et des nuits qu’il neige sur Bujumbura. » : cette litanie rend inquiétantes les évocations de jeux et d’images insolites évoquées. Le champ lexical du blanc glacé envahit tout le texte à l’image de la mort qui a submergé et gelé (mais non détruit) le « Petit Pays » de Gaby : (« colombes », « laiteux », « patinoire », « albinos », « nuages », « moutons », chaux », neige », « coton », « sucre glace », « porcelaine » « givrés » « riz » « blancheur » « ivoire » « robe de mariée » « fantômes ».

Ce chapitre se détache du reste du récit du jeune Gaby. Dans cette lettre, ce n’est plus le garçon qui raconte son quotidien, mais un poète qui décrit sa ville dégénérée par la violence.

LES ACTIVITÉS PÉDAGOGIQUES

♦ Avant la lecture

Compétences mobilisées :

 éveiller la curiosité et l’envie de lire
→ développer l’imagination et la logique pour situer les personnages et les événements à partir d’extraits du roman
→ travailler la compréhension de l’écrit
→ s’exprimer à l’oral
→ construire une argumentation
→ participer de façon constructive à des échanges oraux
→ comprendre et respecter les règles de la discussion de groupe (écoute, respect du point de vue de l’autre)

Utiliser la technique de la « bande-annonce ». On fournit aux élèves de courts extraits du roman à partir desquels ils se posent des questions sur les personnages, qui ils sont, les liens qui les unissent, le thème du livre, le lieu de l’histoire, etc. Comme des détectives, ils essaient à partir d’indices de deviner de quoi parle le livre. On leur donne les extraits petit à petit dans un ordre choisi (pas nécessairement chronologique) pour leur donner envie d’en savoir plus. On n’annonce ni le nom du roman, ni celui de l’auteur.

Ce travail peut se faire individuellement ou en groupe. Et les élèves peuvent présenter leurs théories à la classe pour travailler l’expression à l’oral. Ils peuvent également débattre en donnant des arguments pour soutenir leur théorie.

 

♦ Lecture

Lecture à voix haute et prise de parole

Compétences mobilisées :

→ s’approprier le roman
→ s’exprimer à l’oral
→ construire une argumentation
→ participer de façon constructive à des échanges oraux
→ comprendre et respecter les règles de la discussion de groupe (écoute, respect du point de vue de l’autre)

Demander à chaque élève de choisir son passage préféré du livre et de le lire à voix haute devant la classe. L’élève répond ensuite aux questions de ses camarades sur le choix de ce texte. S’il s’agit d’une scène dialoguée, la lecture peut se faire à plusieurs voix pour encourager le travail de groupe.

Des débats peuvent être organisés entre élèves autour de questions telles que : aimez-vous le roman ? Pourquoi ? Les élèves vont confronter en petits groupes leurs différents points de vue sur l’œuvre. Leur position doit être argumentée et assumée. Qu’est-ce qui leur a plu (ou déplu) ? Le thème, les personnages, le style ? Pourquoi ? Quelle est leur scène préférée ? Pourquoi ?

Le pouvoir de la lecture

Compétences mobilisées :

→ s’approprier le roman
→ encourager la lecture d’autres livres
→ s’exprimer à l’oral
→ développer l’imagination

Travailler autour du personnage de Mme Economopoulos et de la place que la lecture prend pour Gaby dans le chapitre 24. Les élèves ont-ils autour d’eux des adultes qui jouent le rôle de Mme Economopoulos pour Gaby ?

La lecture est un moyen pour Gaby de sortir de son impasse et de voyager par l’imagination. Que représente-t-elle pour les élèves ? Y a-t-il un ou plusieurs livres qui les a marqués, qui leur a permis de voyager et découvrir d’autres cultures et d’imaginer des mondes qu’ils ne connaissaient pas ? On peut les inviter à partager des extraits avec la classe et créer une liste de livres à lire à partir de leurs suggestions, auxquelles l’enseignant(e) peut ajouter des titres.

 

ÉCRITURE

La lettre

Compétences mobilisées :

 s’approprier le roman
→ écrire dans le style épistolaire
→ vérifier et approfondir la compréhension du roman
→ développer l’imagination

Demander aux élèves d’écrire une lettre à l’un des personnages du livre. C’est l’occasion de poser des questions au personnage sur des éléments qui ne sont pas présents dans le livre, de faire des commentaires sur des passages du livre qui les ont marqués, de donner leur avis, d’exprimer ce qu’ils ressentent vis-à-vis du personnage et des situations.

Ils peuvent écrire en leur nom propre ou se mettre à la place d’un autre personnage du roman. Par exemple, Gaby ou Ana peuvent écrire à leurs cousins du Rwanda, Gino peut écrire à sa mère, on peut imaginer que les amis de Gaby (Gino, les jumeaux, Armand) ont aussi un correspondant en France à qui ils écrivent, etc.

Le souvenir d’enfance

Compétences mobilisées :

→ travailler le souvenir
→ écrire au passé
→ construire un récit avec un début et une fin
→ écrire un texte littéraire

Demander aux élèves d’écrire un texte sur un souvenir d’enfance qui les a marqués : un souvenir avec leur famille, un moment de jeu ou de dispute avec leurs amis, un voyage qu’ils ont fait pendant des vacances, etc. Les élèves sont libres de choisir leur style : le souvenir peut être drôle, triste, étonnant, etc. Ils peuvent travailler l’aller-retour entre le présent et le passé en utilisant des formules comme « je me souviens » ou se plonger directement dans le passé. Ils peuvent essayer d’écrire dans le style de Gaël Faye. L’enseignant(e) peut aussi leur fournir d’autres exemples d’auteurs qui ont écrit sur le souvenir d’enfance.

La fiction

Compétences mobilisées :

→ développer l’imagination
→ comprendre le principe de la fiction
→ écrire une description
→ s’exprimer a l’oral
→ jeu d’acteur

Petit Pays est un roman fictionnel et non une autobiographie. Pour bien comprendre le principe de la fiction, on peut proposer aux élèves d’écrire une série de textes qui font appel à leur imagination.

Créer un personnage. Les élèves doivent inventer un personnage, lui donner un nom, une courte histoire et en faire une description physique. Si l’on veut travailler avec le théâtre, on peut ensuite demander aux élèves d’incarner le personnage, de marcher comme lui, de le jouer.

Imaginer un dialogue. Les élèves travaillent par deux pour imaginer une conversation entre les personnages qu’ils ont créés. Ils peuvent jouer la scène de façon théâtrale.

Imaginer un paysage, une maison, une école, une ville, etc. Demander aux élèves d’écrire un texte dans lequel ils imaginent un lieu et le décrivent.

Retravailler le souvenir d’enfance. Demander aux élèves de partir du souvenir d’enfance réel qu’ils ont écrit et de le modifier pour le rendre fictionnel : ils peuvent changer les noms des personnages, transposer la scène dans un autre pays, enlever ou ajouter des personnages, modifier ce qui s’est passé, etc.

Réécrire

Compétences mobilisées :

→ s’approprier le roman
→ vérifier et approfondir la compréhension du roman
→ développer l’imagination
→ écrire un texte littéraire

Scène supplémentaire. Demander aux élèves d’écrire des textes à ajouter au livre en imaginant des moments que l’auteur n’a pas écrits mais qui ont pu arriver : la discussion que les jumeaux ont eue avec leurs parents après l’épisode de la circoncision, une conversation entre les parents de Gaby, comment Gino et Francis sont devenus amis, etc.

Points de vue. Demander aux élèves de réécrire des passages du livre du point de vue d’un autre personnage : les disputes des parents du point de vue d’Ana, le grand plongeon de Gaby a la piscine du point de vue de Gino, d’Armand, de Francis ou des jumeaux, le point de vue du chauffeur de taxi quand les garçons rentrent dans sa voiture « nus comme des vers », etc.

Fin alternative. Demander aux élèves d’écrire une fin alternative au roman.

 

♦ Théâtre

Compétences mobilisées :

→ s’approprier le roman
→ développer l’imagination
→ s’exprimer a l’oral
→ jeu d’acteur
→ improvisation

Outre les exercices de théâtre déjà proposés dans les sections « Lecture et prise de parole » et « Fiction », le roman de Gaël Faye se prête bien à une interprétation théâtrale. Voici d’autres propositions :

Scènes. Sélectionner des passages qui se prêtent au théâtre et demander aux élèves de travailler en petit groupe pour faire une mise en scène à présenter ensuite à la classe. Selon la scène, les élèves peuvent choisir le décor : dans la salle de classe, dans la cour, etc.

Improvisation. Les élèves peuvent choisir un personnage du roman qu’ils incarnent. On imagine des situations et ils doivent réagir et jouer comme s’ils étaient ce personnage.

 

♦ ARTS PLASTIQUES

Compétences mobilisées :

→ s’approprier le roman
→ arts plastiques
→ travailler la forme de la bande dessinée
→ faire une recherche iconographique
→ faire une recherche historique
→ décrire un document iconographique (réaliser une légende)
→ faire le lien entre les événements du roman et le contexte historique
→ acquérir des notions de muséographie
→ s’exprimer à l’oral pour faire médiateur de l’exposition

Dessiner ou peindre les lieux du roman : la maison de Gaby, son école, la maison de la grand-mère, la maison de Jacques, le combi Volkswagen de la bande de Gaby, la piscine, la rivière, etc. Dessiner ou peindre les personnages.

Bande dessinée. Choisir une courte scène du roman comprenant des dialogues ou non et possédant une forte charge visuelle, voire cinématographique. Par exemple la scène de la piscine. Demander aux élèves de la mettre en bande dessinée. Les parties narratives du roman devront être transcris dans le dessin ou traduits en dialogue sous forme de bulles.

Organiser une exposition autour du livre. L’exposition peut mêler des images d’archives (photographies des lieux et des événements historiques évoqués dans le roman) aux créations visuelles (dessins, tableaux, extraits de bande dessinée) des élèves. Ce travail demandera aux élèves de faire des recherches et d’organiser les images selon un parcours chronologique, géographique ou sémantique. Ils peuvent ensuite devenir les guides de l’exposition auprès des élèves d’autres classes qui viendront visiter l’exposition.

 

♪ Musique 

Compétences mobilisées :

→ composition musicale (texte et musique)

Ecoute et écriture. Ecouter des chansons de Gaël Faye et les jouer. Ecrire d’autres paroles pour les chansons, inspirées du roman.

Composition. Ecrire et composer un hymne pour la bande de Gaby.

 

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